"Prisoners" : Hugh Jackman, un père en colère
De Denis Villeneuve (Etats-Unis), avec : Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello - 2h33 - Sortie : 9 octobre 2013
Interdit aux moins de 12 ans
Synopsis : Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable… Les jours passent et les chances de retrouver les fillettes s’amenuisent…
Plus qu’un "whodunit"
Cela faisait un moment qu’un thriller ne nous avait pas secoué de la sorte. Les références au "Silence des agneaux" et à "Seven" ne sont pas superflues, ni celle à "Mystic River", puisqu’il s’agit également ici d’enlèvement d’enfants dans une petite bourgade de la Nouvelle-Angleterre au lourd secret. Denis Villeneuve n’en garde pas moins un style propre, même s’il reste fidèle aux codes du genre. Son intrigue angoissante et pleine de mystères, avec en fond une évocation d’une Amérique rurale, entraîne sans relâche jusqu’au bout de ses 2h33, même si l’on devine à moitié le coupable, mais à moitié seulement…
Si le suspense repose pour beaucoup sur ce "whodunit" (de "who done it", qui l’a fait ?, qualificatif des films à énigme), le scénario tourne essentiellement autour de ce père, qu’endosse à merveille Hugh Jackman, avec enfin un rôle à sa mesure, si l’on excepte son magicien obsessionnel dans "Le Prestige". Devant l’enlèvement de sa fille et de celle de ses voisins, et l’échec de la police à les retrouver, il va pousser le bouchon trop loin en mettant ses propres méthodes à exécution, et pas des plus subtiles. Il ne s’agit pas pour autant d’un film autour de l’autodéfense (du moins pas uniquement) ou d’une mise en cause de l’efficacité policière.
Une intrigue peut en cacher une autre
Jusqu’où peut-on aller quand on fait face à un tel drame, vécu dans sa chair, et celle de ses proches ? Denver Dove (Jackman) va dépasser les bornes avec la complicité à peine forcée de son voisin. Il agit ainsi comme nombre de serial killer qui entraînent à leur côté d’autres personnes dans leur folie. L’enquête passe ainsi au second plan, au profit du portrait de cet homme brisé qui bascule lui-même dans le crime, en s’acharnant sur un suspect libéré par la police qu’il est convaincu d’être coupable. Pas de psychologie pour autant, tout passe par l’action, comme tous films de genre, ce que se revendique être "Prisoners".
"Prisoners", avec un "S" : les deux petites filles, le suspect et bientôt Denver Dove lui-même, pris à son propre piège, sont ces prisonniers. La durée du film et le développement bien minuté de son script ne laisse pas pour autant l’enquête de côté, dans laquelle s’immiscent des obsessions de la société américaine : la religion et la famille, mais aussi l’autodéfense, Denver Dove s’avère le prototype de l’Américain moyen, convaincu de ses droits face aux institutions jugées défaillantes (comme dans un western), dont l'épouse avance qu’il chante l’hymne américain sous la douche, et qui fera l’usage de la force pour flatter ses convictions. Comme dans les meilleurs films de genre, Denis Villeneuve passe par une fiction exacerbée pour parler de la société contemporaine. Puissant.
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