"Pauvre Georges !" : comédie dramatique aux frontières du fantastique
Un adolescent va bouleverser le quotidien d'une communauté. Réalisatrice inclassable, Claire Devers sort son neuvième film, "Pauvre Georges !", qui ne déroge pas à la règle. Un très bon cru, sur les écrans le mercredi 3 juillet.
Depuis Noir et Blanc, Caméra d’or en 1986 à Cannes, la cinéaste française Claire Devers (Max et Jérémie, Les Marins perdus) a rarement déçu. Elle retrouve Grégory Gadebois (Pupille) dans Pauvre Georges ! qu’elle avait déjà dirigé dans Rapace (2012). Elle offre le premier rôle féminin à Monia Chokri, repérée chez Xavier Dolan, et qui vient de signer son premier film, La Femme de mon frère. Un excellent casting dans un film hors des sentiers battus.
Inquiétante étrangeté
Georges (Grégory Gadebois), prof de français venu de France pour s’installer dans la campagne québécoise avec sa femme Emma (Monia Chokri), surprend Zack dans sa maison, un adolescent au comportement provocant (Noah Parker). Il décide de s’occuper de ce jeune déscolarisé pour le remettre sur les rails, contre l’avis de son épouse et de ses voisins. Tous voient d’un mauvais œil la visite régulière de ce trublion dans leur lotissement. Le couple et leur environnement vont en être chamboulés avec des conséquences imprévisibles.
Tourné dans les Vosges, à de rares plans près, Pauvre Georges ! recèle pourtant une ambiance toute canadienne. Les paysages neigeux, les intérieurs boisés, mais aussi les rapports étranges et décalés entre les personnages, rappellent les premiers films du réalisateur canadien David Cronenberg. Claire Devers ne verse pas dans les horreurs de Rage ou de Chromosome 3, mais joue d’un sentiment de méfiance entre les personnages, puis de peur, avec en fond une violence latente, que la française a en commun avec le réalisateur de Toronto.
Elément perturbateur
Adapté d’un roman de Paula Fox, Pauvre Georges ! pourrait s'apparenter à un thriller intime de voisinage. Claire Devers installe son intrigue dans un environnement bucolique et des intérieurs chaleureux et rassurants. La petite communauté de ce lotissement paisible entretient des rapports policés, les grandes baies vitrées des habitations suggérent la transparence, comme si personne n’avait rien à cacher. Elles s’offrent tout autant au voyeurisme, chacun étant amené à un moment ou un autre à épier l’autre. C’est le jeu préféré de Zack, jeune désœuvré qui profite de cette opportunité pour exercer son vice.
Georges va tenter de le récupérer en lui donnant les bases de l’enseignement, mais en se mettant à dos sa femme et ses voisins. Ses rapports avec ses collègues profs ne sont pas non plus des plus harmonieux, tous semblant plus névrosés les uns que les autres. Comme cet étrange Zweig (excellent Stéphane de Groodt), prof de Maths misanthrope tiré à quatre épingles, par ailleurs artiste bohème et négligé dans son espace privé.
Thriller psychologique non dénué d’humour par son ton caustique, Pauvre Georges ! dresse le portrait sans complaisance de bourgeois hypocrites et poseurs. A leur encontre, Georges fait preuve d’humanisme en tentant de faire l’éducation de Zack : il en fera les frais. Ces rapports biaisés, parsemés de chausse-trappes et de bien-pensance, ouvrent sur une réalité pervertie, gangrénée, révélée par l’élément perturbateur incarné par Zack. Il renvoie ainsi à ce qui définit le genre fantastique selon Todorov : une intervention extérieure qui fait basculer le rationnel dans l’irrationnel. On pense aussi au Théorème de Pasolini. La conclusion de Pauvre Georges ! est de ce point de vue éloquente. Fin ouverte, elle construit une boucle qui incite le spectateur à réviser le film à sa lumière, un peu à la manière du dernier plan de Shining de Stanley Kubrick. Subtil.
La fiche
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Claire Devers
Acteurs : Grégory Gadebois, Monia Chokri, Noah parker (II), Mylène MacKay, Pascale Arbillot
Pays : France / Belgique / Canada
Durée : 1h54
Sortie : 3 juillet 2019
Distributeur : Jour2fête
Synopsis : "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous" (Paul Eluard).
Georges a quitté la France pour le Québec et s'est installé à la campagne avec sa femme, Emma. Un soir, en rentrant du collège où il enseigne le Français à Montréal, il surprend Zack, un adolescent déscolarisé, en train de fouiller leur maison. Georges voit en ce gosse un nouveau projet de vie et se met en tête de le sauver. Cette décision prise contre l'avis de tous va provoquer des réactions incontrôlées et faire exploser tous les liens qui les unissaient les uns aux autres.
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