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"Paris Calligrammes" : le Paris artistique des années 1960 par la cinéaste Ulrike Ottinger

A 75 ans, la plasticienne, photographe et réalisatrice allemande revient sur ses années de formation dans un documentaire passionnant.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La peintre, photographe et cinéaste allemande Ulrike Ottinger au début des années 1960, devant son portrait du poète américain Allan Ginsberg. (Copyright privat)

Venue des Beaux-Arts de Munich à Paris en 1962, Ulrike Ottinger a rencontré le tout Saint-Germain-des-Près intellectuel et artistique. C’est le témoignage de ses rencontres, autant prestigieuses que formatrices, qu’elle se remémore à 75 ans, dans Paris Calligrammes qui sort mercredi 14 octobre. C’est aussi un portrait de la France de la décolonisation en cours, jusqu’aux événements de 1968. Un témoignage autant artistique que social et politique.

Engagement festif

Arrivée à Paris à vingt ans, Ulrike Ottinger a baigné dans le "roaring Saint-Germ’" des sixties en découvrant la librairie franco-allemande de la rue du Dragon, Calligrammes, tenue par Fritz Picard. Là, puis au Café de Flore, Les Deux Magots, chez Lipp, elle croisera Sartre, Gréco, Zadkine… Imprégnée de Dada - le mouvement d’avant-garde de Tristan Tzara -, d’existentialisme, de politique, et de la contre-culture américaine, elle adhère au Pop Art.Attentive aux mouvements sociaux résultant de la décolonisation et aux "événements d’Algérie", Ulrike Ottinger revient sur les bidonvilles aux portes de Paris, ou sur la manifestation meurtrière de la rue de Charonne (1962). L’engagement politique n’ignore pas pour autant la fête, la musique, le jazz et la muse Gréco qui vont avec. Sa participation au Pop Art, puis sa conversion à la photographie et au cinéma, avant de retrouver l’Allemagne en 1969, nourrissent ce récit, reflet d’une initiation intense.

Fraîcheur

Film de montage d’archives - reportages, documents personnels, photos… Paris Calligrammes est un merveilleux album d’images qui évoque une époque où l’engagement s’incarnait dans la culture. Avec ses raisons, ses enthousiasmes et ses erreurs. Il en émane une fraîcheur revigorante, auquel le beau texte en voix off dit par Fanny Ardant, dans un style dénué d’emphase, donne informations, précisions et poésie.

Reconstitution de la vitrine de la librairie Calligrammes des années 60, dans "Paris Calligrammes" de Ulrike Ottinger. (Copyright Ulrike Ottinger)
Ulrike Ottinger organise avec art ce patchwork à la fois personnel et historique, mémoriel et émotionnel. L’artiste, la femme, l’intellectuelle, l’engagée, l’actrice de son temps, transpirent de ce beau documentaire, dont la teneur dépasse toute autocongratulation. A l’heure d’un retournement sur soi-même, de la pleine puissance individualiste et d’une communication nombriliste, cette mise en lumière d’un temps où prévaut le partage des idées et de la création, ne peut que parler aux jeunes générations.

L'affiche de "Paris Calligrammes" de Ulrike Ottinger. (Dean Medias)

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisatrice : Ulrike Ottinger
Actrice (voix off) : Fanny Ardant
Pays : Allemagne / France
Durée : 2h09
Sortie : 14 octobre 2020
Distributeur : Dean Medias

Synopsis : Paris Calligrammes est un film d’art et essai, un long métrage documentaire, réalisé par Ulrike Ottinger, réalisatrice allemande, emblème de l’avant-garde en Allemagne et du pop Art, aujourd’hui âgée de 75 ans. Elle raconte le Paris des années 60 qu’elle a connu, évoque en particulier une librairie, Calligramme, dirigée par Fritz Picard, où elle a rencontré des avant-gardistes allemands et français issus de la littérature et de l'art. Elle se rappelle Paris sous un autre angle, qui n’était pas seulement un lieu de rencontre pour des intellectuels et des artistes du monde entier à cette époque. Paris traversait une phase politique difficile de décolonisation à la suite de la guerre en Algérie. Les manifestations étudiantes contre la guerre du Vietnam et la discrimination raciale ont commencé au milieu des années soixante. Ulrike Ottinger décrit comment elle a vécu cette période de réveil artistique, politique et social.

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