"Oh Lucy !" : tendre road movie japonais entre Tokyo et la Californie
Derniers pétales
La comparaison peut sembler facile, s’agissant de l’ikebana, art du bouquet floral au japon, mais l’héroïne de "Oh Lucy !" est comme une fleur pas encore flétrie qui joue ses derniers pétales pour vivre un tournant de sa vie. Secrétaire effacée d'une cinquantaine d'année qui vit à Tokyo, elle tombe amoureuse d’un jeune américain. Elle fait tout pour le retrouver, après son départ pour Los Angeles avec sa nièce, accompagnée de sa sœur, sous prétexte de la récupérer. Plus que lui, c’est elle-même qu’elle cherche....La première partie de "Oh Lucy !", située à Tokyo, reflète combien la mégapole peut être exotique au regard occidental. Un exotisme non pas folklorique, historique, mais reflet d’une modernité contemporaine : urbanité futuriste, transports saturés, masques hygiéniques, entreprises gérées au cordeau, lieux interlopes, déguisements cosplay (kosupure, déguisement en personnage de manga)… On y décèle également un étrange mélange de sensibilités, entre l'extravagance des sentiments et une ascèse mutique.
Sucré-salé
De cet univers, Setsuko (Shinobu Terajima) est saturée. Elle va avoir la révélation en rencontrant de façon inopiné John (Josh Hartnett, la jeune star qui monte à Hollywood), Américain, prof d’anglais iconoclaste dont elle tombe éperdument amoureuse malgré leur différence d’âge. Jusqu’à partir à sa recherche aux Etats-Unis dans un voyage aux antipodes de sa vie bien réglée et ennuyeuse. John a transformé Setsuko, l’affublant d’une perruque blonde qu’elle ne quittera plus et d’un nom de substitution : Lucy. Mais en cet avatar, va-t-elle se trouver ? C’est ce mélange de sucré et d’amertume qui fait le charme du film.Ce joli récit, touchant et sensible passe par des personnages bien dessinés, une intrigue un rien décalé où pointe un humour désabusé. L’exil et son traitement ne sont pas sans rappeler Jim Jarmusch, ou Sofia Coppola, tous-deux nourris de culture nippone. Voire Woody Allen, par cette musique New-Orleans qui traverse le film et son histoire de femme, commune au New-Yorkais. La mise en scène n’atteint toutefois pas encore ce niveau. Normal, c’est un premier film. Il révèle toutefois une véritable auteure, à la fois scénariste, réalisatrice, directrice d’acteurs reconnus, expérience sans doute impressionnante pour une débutante. Cette première reconnaissance par le public à la Semaine de la critique à Cannes, est le meilleur tremplin pour revenir très vite sur la Croisette. Comme c’est souvent le cas par cette porte. C’est tout ce qu’on lui souhaite. Prometteur.
LA FICHE
Réalisateur : Atsuko Hirayanagi
Pays : Japon / Australie
Acteurs : Shinobu Terajima, Josh Hartnett, Kaho Minami, Koji Yakusho, Shioli Kutuna, Megan Mullalli, Liz Bolton, Reiko Aylesworth
Durée : 1h35
Sortie : 31 janvier 2018
Synopsis : Setsuko mène une vie solitaire et sans saveur à Tokyo entre son travail et son appartement, jusqu’à ce que sa nièce Mika la persuade de prendre sa place à des cours d’anglais très singuliers. Cette expérience agit comme un électrochoc sur Setsuko. Affublée d’une perruque blonde, elle s’appelle désormais Lucy et s’éprend de John son professeur ! Alors, quand Mika et John disparaissent, Setsuko envoie tout balader et embarque sa sœur, dans une quête qui les mène de Tokyo au sud californien. La folle virée des deux sœurs, qui tourne aux règlements de compte, permettra-t-elle à Setsuko de trouver l’amour ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.