"Never Rarely Sometimes Always" : le douloureux combat d'une femme pour avorter aux Etats-Unis
La réalisatrice Eliza Hittman dépeint sans tomber dans le pathos le parcours du combattant que vivent de nombreuses femmes pour avorter aux États-Unis.
Pour son troisième long métrage, la réalisatrice Eliza Hittman (It Felt like love, Les Bums de plage) s’intéresse encore une fois à la jeunesse américaine à travers un sujet politique très actuel. Récompensé par le Grand Prix du jury de la Berlinale, Never Rarely Sometimes Always raconte l’avortement à travers les yeux d’une jeune mineure, alors que ce droit ne cesse de reculer aux États-Unis. Un film fort mené par une jeune actrice incroyable.
Un voyage à New York pour avorter
Autumn (Sidney Flanigan) aime chanter. C’est sur scène, pendant un spectacle, qu’apparaît pour la première fois la jeune fille de 17 ans. Aussitôt que le micro s’éloigne, l’adolescente plonge dans un profond silence et perd le sourire. Autumn est enceinte et veut se faire avorter, chose impossible dans sa Pennsylvanie natale où les centres d’aide aux femmes passent des spots anti-avortement. Avec sa cousine Skylar (Talia Ryder), Autumn part à New York où l’avortement est plus accessible.
Terriblement d’actualité, Never Rarely Sometimes Always montre une Amérique où avorter est devenu un calvaire dans certains Etats. Si l’arrêt Roe v. Wade de 1973, établit le droit à l’avortement pendant le premier trimestre sur le territoire, des modifications par la Cour suprême permettent à certains États d’y restreindre l’accès. Beaucoup de femmes, à l’image d’Autumn, voyagent dans d’autres États pour se faire avorter. Dans Never Rarely Sometimes Always, le spectateur est au plus près des concernées.
Une mise en scène aux allures de documentaire
Les couleurs sont ternes et les silences sont nombreux dans ce long-métrage. Tout est dans les non-dits, les gestes capturés furtivement par la caméra, souvent à l'épaule, donnant un fort aspect documentaire au film. Les rares dialogues touchent en plein cœur. Dans une scène puissante, l’adolescente répond à un questionnaire à choix multiples sur sa vie sexuelle. Une travailleuse sociale lui énumère les possibilités : never, rarely, sometimes, always (jamais, rarement, parfois, tout le temps), d’où le titre du film. La caméra est plantée devant le visage d’Autumn et l’on comprend toute la douleur de cette jeune fille, une douleur qui fait écho à celle de beaucoup de femmes victimes de violences.
Une solidarité et détermination silencieuse lie Autumn à sa cousine Skylar, sa principale alliée dans cette aventure. Les rares hommes présents dans le film sont montrés comme des prédateurs ou potentiellement violents. Etre une femme aux Etats-Unis peut être compliqué, là est tout le propos de la réalisatrice Eliza Hittman. Evitant la tragédie avec un grand T, Never Rarely Sometimes Always se veut subtil sans pour autant perdre l’intensité de son propos. Une belle surprise de l’été.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateurs : Eliza Hittman
Avec : Sidney Flanigan, Talia Ryder, Théodore Pellerin
Pays : Américain, Britannique
Durée : 1h35
Sortie : 19 août 2020
Distributeur : Universal Pictures International France
Synopsis : Deux adolescentes, Autumn et sa cousine Skylar, résident au sein d'une zone rurale de Pennsylvanie. Autumn doit faire face à une grossesse non désirée. Ne bénéficiant d'aucun soutien de la part de sa famille et de la communauté locale, les deux jeunes femmes se lancent dans un périple semé d'embûches jusqu'à New York.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.