"Morbius" : le vampire de Marvel se saborde dans un film complètement inabouti
Un illustre médecin repoussant l’éthique médicale pour sauver des vies jusqu’à devenir lui-même un monstre : sur le papier, l'adaptation au cinéma de l'histoire de ce nouveau personnage de l'univers Marvel avait tout pour plaire. Mais ce "Morbius" s'écroule dans un film à la réalisation complètement bâclée.
Repoussé à plusieurs reprises, Morbius, adaptation de l’anti-héros vampirique de Marvel dans un nouveau long-métrage porté par Sony, est enfin en salle depuis le 30 mars. Trois mois après le carton de Spider-Man : No Way Home et quatre semaines avant le très attendu Doctor Strange 2, le film réalisé par Daniel Espinosa se retrouve pris entre deux mastodontes contre qui il apparaît bien difficile de se faire une place au soleil.
Michael Morbius, interprété par Jared Leto (Requiem for a Dream, House of Gucci) est un personnage à la frontière du bien et du mal. Il est apparu pour la première fois dans les comics Marvel comme un ennemi de Spider-Man. Ce docteur de génie souffre d’une grave maladie du sang, il met l’éthique de côté pour trouver un remède. Lors de ses expérimentations, il finit par se guérir en mélangeant son ADN avec celui d’une chauve-souris. Une solution à double tranchant : Michael est désormais transformé en vampire doté d’habilités surhumaines, tiraillé entre sa soif de sang et sa moralité.
Un montage indigeste
Si le synopsis et la bande-annonce semblaient prometteurs, Morbius peine à convaincre tant le film semble inachevé. Dès les premières minutes, on grince des dents face à l'un de ses gros défauts : son montage catastrophique. Pourtant le long-métrage débute par une scène au Costa Rica plutôt réussie, on découvre un docteur Morbius aux longs cheveux sombres, décharné et pâle. Il tente de capturer des chauves-souris vampires pour ses expérimentations, à l'entrée d'une grotte reculée. Puis soudainement, le spectateur est plongé brièvement dans l'enfance du héros et sa rencontre avec son ami qu’il considère comme son frère : Milo (Matt Smith). Puis le spectateur est à nouveau emmené sans réelle transition dans le présent, à la remise du prix Nobel de médecine à Michael.
Un phénomène que l'on retrouve tout au long des 105 minutes de Morbius, avec des scènes très courtes qui donnent l’impression d’un film rogné, réalisé le pied sur l’accélérateur. Mais plus ennuyeux encore, de nombreuses séquences présentes dans la bande-annonce pour rattacher Morbius à l’univers de Spider-Man ont été coupées et ne sont finalement pas présentes dans le film. Seules deux scènes post-crédits franchement décevantes font le pont entre les univers.
Des personnages aux potentiels inexploités
Avec une narration aussi rapide, impossible de s’attacher réellement aux personnages malgré un joli casting. Jared Leto (Requiem for a Dream
Panic Room, Suicide Squad) fait brièvement briller la personnalité de Michael, lorsqu’il décortique à la manière d’un scientifique ses nouvelles habilités. Mais le tiraillement du docteur entre le bien et le mal est complètement survolé. Le spectateur doit se contenter de quelques scènes où le vampire regrette d’avoir siphonné des humains.
La relation fraternelle entre Michael et son ami Milo, élément central du film, tombe à plat. Malgré la prestation de Matt Smith dans le rôle d’un “frère” impertinent et frimeur, soit l’opposé du docteur. La dualité entre ces deux personnages n’est pas assez exploitée et la scène de trahison est si mal construite que l'on passe totalement à côté. Les personnages secondaires auraient pu équilibrer le tout s'ils avaient réussi à se faire une place dans le film. Mais le rôle de Martine (Adria Arjona), docteur et assistante de Morbius, manque de consistance, tout celui de comme Emil (Jared Harris), ami paternel du duo.
Des effets spéciaux inégaux
Quant à la transformation de Morbius en vampire, moment-clé du film, le réalisateur a bien essayé d’être fidèle à la description des comics : un nez retroussé comme une chauve-souris, des pommettes hautes, une peau blanche, des yeux rouges ou encore des griffes acérées pour déchiqueter ses proies. Seulement, visuellement, les effets spéciaux des métamorphoses se révèlent être de qualité très inégale. Dès que la caméra s’attarde sur le visage du vampire, impossible de ne pas remarquer le travail numérique réalisé sur cette transformation.
Pourtant, lorsque Morbius utilise son pouvoir d’écholocalisation à la manière des chauves-souris, les effets spéciaux sont utilisés à bon escient. Sous ce radar, la ville se déforme au gré des ondes sonores pour un résultat original et esthétique. D’autres bonnes idées sont dispersées dans le film, à l’image des déplacements du vampire accompagnés de traînées de fumée ou des séquences “bullet time” au parfum de Matrix.
En résumé, Morbius déçoit tant son potentiel a été gâché. Le film n’arrive pas à définir son identité à mi-chemin entre le film d’action, d’horreur et le drame. Le long-métrage ne rend pas assez compte de la complexité et la noirceur de l'anti-héros décrites dans les comics. Une adaptation qui apparaît comme bâclée par Sony. Le studio, déjà à l'origine de la décevante saga Venom, va désormais se tourner vers son prochain projet : un film sur le personnage Kraven le chasseur, prévu pour 2023.
La fiche
Genre : action, fantastique
Réalisateur : Daniel Espinosa
Pays : États-Unis
Durée : 1h45
Sortie en France : 30 mars 2022
Distributeur : Sony Pictures
Synopsis : Gravement atteint d’une rare maladie sanguine, et déterminé à sauver toutes les victimes de cette pathologie, le Dr Morbius tente un pari désespéré. Alors que son expérience semble être un succès, le remède déclenche un effet sinistre. Le bien vaincra-t-il le mal ou Morbius succombera-t-il à ses nouvelles pulsions ?
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