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"Lingui, les liens sacrés" : un film militant du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun sur l'avortement et l'excision

Le cinéaste fait preuve de courage pour traiter de front deux tabous majeurs de la société tchadienne dans un film nécessaire.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Achouackh Abakar et Rihane Khalil Alio dans "Lingui, les liens sacrés" de Mahamat-Saleh Haroun (2021). (PILI FILMS : MATHIEU GIOCOMBINI)

Réalisateur avant d’être ministre du Développement touristique, de la culture et de l'Artisanat du Tchad de 2017 à 2018, Mahamat-Saleh Haroun était (Un homme qui crie) en compétition à Cannes avec Lingui, les liens sacrés qui sort mercredi 8 décembre. Rare réalisateur majeur du continent africain, passionné par son pays dont il partage l’amour dans ses films, progressiste et réformiste, Mahamat-Saleh Haroun bouscule les tabous en dénonçant l’excision et l’interdiction d’avorter dans son pays.

Exotisme et clichés ?

Fille-mère rejetée par sa famille, Amina vit seule dans un faubourg de N’djaména, capitale du Tchad, avec Maria, sa fille unique de 15 ans. Elle vit chichement d’un petit artisanat à base de récupération, quand Maria lui apprend être enceinte et vouloir avorter. Malgré la condamnation par la religion musulmane et les poursuites judiciaires qu’elles encourent, Amina va tout faire pour la tirer de ce mauvais pas.

Mahamat-Saleh Haroun filme admirablement la lumière blanche et dorée qui illumine N’djaména, où le ballet incessant des deux-roues vrombit dans les rues. On est au côté d’Amina, dans son petit atelier rudimentaire où elle confectionne des objets décoratifs, seule ressource de cette famille monoparentale mise à l’index. Le réalisateur ferait-il dans l’exotisme et le cliché ? Le décor est en tout cas évocateur, et le sens du cadre, de la couleur et du mouvement est de chaque plan.

Didactisme utile

Amina est une paria qui ne cherche qu’à s’effacer, à s’intégrer dans un voisinage qui la rejette. La grossesse de sa fille la ramène à ce qu’elle a vécu par le passé, comme si l’histoire se répétait. Compatissante, elle va l’aider.  Mais le danger est partout : la rumeur se propage, l’imam fait pression, et bientôt la police. Une solidarité discrète s’organise entre femmes, mais tiendra-t-elle ?

Rihane Khalil Alio dans "Lingui, les liens sacrés" de Mahamat-Saleh Haroun (2021). (PILI FILMS : MATHIEU GIOCOMBINI)

Si Mahamat-Saleh Haroun est didactique dans son scénario, c’est qu’il veut initier  ses compatriotes à des évolutions sociétales qui nécessitent une transformation  des mentalités tchadiennes, ancrées dans la religion et les traditions. Il déclare vouloir emmener son film à travers le pays, afin de sensibiliser les populations. L’occident n’est-il pas lui-même confronté à une régression idéologique face à l’avortement ? Le cinéaste pose également la question de l’excision, dans une magnifique scène où les femmes, complices, partagent dans un large sourire leur satisfaction d'avoir berné leur entourage en pratiquant une fausse opération. 

Lingui, les liens sacrés, d’une grande beauté visuelle, convainc moins par son interprétation de non-professionnels, dommage. Mais le message passe et la dramaturgie prenante mérite la reconnaissance du cœur pour son entreprise nécessaire.

L'affiche de "Lingui, les liens sacrés" de Mahamat-Saleh Haroun (2021). (AD VITAM)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Mahamat-Saleh Haroun
Acteurs : Achouackh Abakar, Rihane Khalil Alio
Pays : Tchad / France / Belgique / Allemagne
Durée : 1h27
Sortie : 8 décembre 2021
Distributeur : Ad Vitam

Synopsis : Dans les faubourgs de N’djaména au Tchad, Amina vit seule avec Maria, sa fille unique de quinze ans. Son monde déjà fragile s’écroule le jour où elle découvre que sa fille est enceinte. Cette grossesse, l'adolescente n’en veut pas. Dans un pays où l'avortement est non seulement condamné par la religion, mais aussi par la loi, Amina se retroLa ficheuve face à un combat qui semble perdu d’avance…Voir les commentaires

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