"L’expérience Blocher", dans l’intimité du leader populiste suisse
Documentaire suisse de Jean-Stéphane Bron – durée : 1h40 – sortie 19 février 2014
Synopsis : « L’expérience Blocher », c’est l’histoire du leader politique le plus haï et admiré de Suisse. C’est aussi l’histoire d’un face à face, étrange et singulier, entre un réalisateur et un homme de pouvoir. Une fable sur le pouvoir qui capture l’esprit d’une époque où, partout dans cette Europe en crise, se lève le vent des nationalismes.
Jean-Stéphane Bron n’a pas choisi de construire un réquisitoire « coup de poing » contre le Jean-Marie Le Pen suisse. Son credo n’en est pas moins intéressant : « Comprendre l’homme pour tenter de démystifier le politicien. » C’est donc un travail intime, tout en nuance, qu’il a engagé en s’approchant au plus près de ce grand patron septuagénaire, un homme qui l’inquiète.
Le documentariste et son sujet se regardent en chiens de faïence. La caméra tourne, braquée sur Christoph Blocher. Qui ne dit rien. A qui Jean-Stéphane Bron ne pose pas de question. Période d’observation, longs silences. Le politicien est méfiant, guette le piège. Et va pourtant laisser le réalisateur vivre avec lui, dans une grande proximité.
A vrai dire, on l’imaginait plus terrifiant ce Blocher, qui joue énormément de son côté « bonhomme », qui se revendique la voix du bon sens et de la tradition au milieu d’une classe politique qu’il vomit ! Né « sans terres », il a fait d’incroyables affaires tout au long de sa vie. Patron impitoyable, il achète et revend des entreprises après les avoir restructurées. Réputé pour offrir les plus maigres salaires de Suisse, il ouvre 117 usines en Chine. Le vieil homme est devenu un grand bourgeois, passe de la piscine avec vue sur le lac au château en bord de Rhin, s’offre des collections de tableaux et des chanteurs lyriques au dessert. Derrière cet homme rond, se cachent des choses plus sombres. Ces affiches violentes du Parti Suisse du Peuple, un mouton noir éjecté du pays par les moutons blancs, c’est sa marque. La crainte et la haine de l’étranger, c’est son fond de commerce. Il a été, autrefois, un des soutiens les plus fervents de l’apartheid en Afrique du Sud. Et, il y a quelques semaines, il a encore « considéré » que Nelson Mandela était « surestimé ».
Pour autant, dans son entourage, on cherchera en vain les crânes rasés, les ultra-nationalistes affichés. Dans ses meetings, on croise surtout des « braves gens » autoproclamés. Beaucoup d’agriculteurs qui veulent que rien ne change. Que la Suisse reste fermée à double-tour. Blanche comme ses neiges, assise sur son secret bancaire. Le film avance, peu bavard mais réellement instructif, avec un vrai regard de cinéaste. Et les choses se gâtent un peu pour le leader populiste, poussé vers la sortie par ses « amis », poursuivi en justice. Secoué, Blocher ne laisse pourtant jamais transparaître ses émotions. Sa femme, qui ne le quitte pas d’une semelle, finit, elle, par étouffer un sanglot. Un moment rare, saisi par le réalisateur, qui, jamais ne se transforme en donneur de leçon, laissant le spectateur se forger son opinion.
Depuis la fin du tournage de ce documentaire, Christoph Blocher a repris du poil de la bête. Le succès du référendum contre l'immigration, c'est son oeuvre, son triomphe. Le vieux milliardaire n'a pas l'intention du disparaître du paysage politique suisse de sitôt. Raison de plus pour passer 1h40 à l'observer.
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