"Les Graines du figuier sauvage" : le splendide thriller familial et politique de Mohammad Rasoulof fait événement

Condamné à huit ans de prison début mai en Iran, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a fui son pays en mai, et son nouveau film a reçu un Prix spécial du jury au dernier Festival de Cannes. Le film fait directement référence aux manifestations qui ont suivi la mort de Mahsa Amini, il y a deux ans, le 16 septembre 2022.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Missagh Zareh et Soheila Golestani dans "Les Graines du figuier sauvage" de Mohammad Rasoulof (2024). (RUN WAY PICTURES)

Si cinéma et politique font souvent sens commun, Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof fait date. Il est rare qu'un film de près de trois heures tienne en haleine de bout en bout avec autant de verve, de relances et de talent, tout en faisant preuve d'une telle ascèse. C'est tout l'art de réalisateur, de metteur en scène et de scénariste de Rasoulof, qui crée ce qui s'avère être un des meilleurs films de cette année 2024, dans les salles mercredi 18 septembre.

Cinéaste iranien dissident comme ses confrères et compatriotes Jafar Panahi et Mostafa Aleahmad, Mohammad Rasoulof réalise une œuvre à charge contre le régime iranien à travers le récit d'un futur juge d'instruction dont l'arme de service a disparu. Sous le coup d'une condamnation à huit ans de prison dont cinq applicables, il a fui clandestinement son pays en mai dernier et a pu présenter son film au Festival de Cannes.

Une arme disparaît

Mohammad Rasoulof use dans Les Graines du figuier sauvage d'un art du récit constamment renouvelé, pourtant réduit à une famille – un couple et leurs deux filles (une adolescente et une jeune adulte) –, sans acteurs connus. Ils portent une histoire simple, passionnante et édifiante, prétexte à une critique subtile.

Alors que Téhéran vit une période de crise politique, sociale et de manifestations, Iman vient d'être promu juge d'instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran. Désabusé et conscient de l'absurdité du système et de ses injustices, Iman continue néanmoins à s'y conformer. Mais un jour, il s'aperçoit qu'il a perdu son arme de service et soupçonne ses filles étudiantes et sa femme de la lui avoir subtilisée. Celles-ci vont alors subir sa colère et sa loi de plus en plus vindicative.

Du scope au portable

À travers cette histoire presque anecdotique, Mohammad Rasoulof filme une métaphore du contexte socio-politique iranien. Le régime de Téhéran est secoué par le mouvement "Femme, Vie, Liberté !" depuis la mort de Mahsa Amini, il y a deux ans, le 16 septembre 2022. Tourné en cinémascope, Les Graines du figuier sauvage est entrecoupé d'images de manifestations, de violences policières et d'arrestations musclées, filmées au portable par Rasoulof, ce qui apporte un réalisme sidérant au film.

On comprend que Les Graines du figuier sauvage – qui a gagné au Festival de Cannes un Prix spécial du jury – déplaise aux mollahs tant Mohammad Rasoulof tire à boulets rouges sur le régime théocratique iranien. S'il ne suffit pas d'un film pour changer le monde, le cinéaste appuie là où ça fait mal, avec un art de la dramaturgie qui passionne comme un thriller. Autant de critères, artistiques et idéologiques, qui font des Graines du figuier sauvage une œuvre majeure, qui s'ajoute au palmarès déjà prestigieux de son réalisateur.

La fiche

Genre : Drame/Thriller
Réalisateur : Mohammad Rasoulof
Acteurs : Soheila Golestani, Setareh Maleki, Missagh Zareh, Mahsa Rostami
Pays : Iran/France/Allemagne
Durée : 2h48
Sortie : Mercredi 18 septembre 2024
Distributeur : Pyramide Distribution
Synopsis : Dans un Téhéran secoué par des troubles politiques et sociaux. Le juge d'instruction Iman découvre que son arme a disparu, il soupçonne sa femme et ses filles, imposant des mesures draconiennes qui mettent à rude épreuve les liens familiaux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.