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"Les Démons" passent au peigne fin les peurs enfantines

Venu du documentaire, le Canadien Philippe Lesage en garde les marques dans sa première fiction. "Les Démons" se prêtait tout aussi bien à son genre de prédilection, s’agissant d’un décryptage des peurs enfantines chez un garçon de dix ans dans son quotidien québécois. La Belle province étonne toujours, avec son cinéma hors des sentiers battus, en empruntant de beaux chemins buissonniers.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Édouard Tremblay-Grenier dans "Les Démons" de Philippe Lesage
 (Paname Distribution)

La chambre obscure

Si les peurs d’enfants foisonnent dans le cinéma fantastique et en sont souvent le moteur, peu de films les abordent sous un angle prosaïque. C’est toute la saveur du film de Philippe Lesage de traiter d’un sujet original, d’autant qu’il ne réclame aucune participation de psychanalystes, psychiatres, ou psychologues. Il préfère suivre les affres traversées par Félix (Édouard Tremblay-Grenier), garçon de dix ans vivant avec ses parents, sa grande sœur et son grand frère adolescents. Un enfant lambda dans une famille lambda, dans un quartier lambda de la banlieue de Montréal. Ce qui n’empêche pas les fantômes de rôder autour de sa présence.

Intégré dans son école et l’équipe de water-polo, Félix ne cherche pourtant pas à avoir des amis. Imaginatif et sensible, il préfère jouer en solitaire dans sa chambre, lieu de toutes ses projections fantasmées. Comme beaucoup de son âge, son cerveau tourne à plein régime. Amoureux de la jolie prof de gym Rebecca, il appréhende de la croiser seule dans les couloirs, par crainte d’être submergé par ses émotions. Mais lors d’une des rares visites d’un camarade chez lui, dans sa chambre, il lui demande de revêtir des vêtements de sa sœur et de s’allonger avec lui sur le lit. Le sexe est le moteur de toutes les peurs et Félix culpabilisera en s’imaginant atteint du sida et en se taraudant sur ce qu’est l’homosexualité.

"Les Démons" de Philippe Lesage
 (Paname Distribution)

Croquemitaine

Dès lors, il se renferme sur lui-même, ne communique plus. Ce qui donne une des meilleures scènes du film, quand sa sœur s’apercevant de son désarroi, le prend à part. Ressentant une culpabilité quelconque en lui, elle devine son origine sexuelle et lui explique qu’il n’y a rien de mal à la découverte juvénile de son corps, que c’est un passage obligé. Libération. Mais la peur est partout ; dans les disputes répétées de ses parents, chez les voisins au comportement étrange, lui-même est-il normal d’avoir toutes ces pensées contradictoires... ?  Elles vont se condenser en une seule quand il apprend qu’un pédophile meurtrier sévit dans les alentours. Le croquemitaine existe ! Et il le connaît !

Philippe Lesage a écrit son scénario en se remémorant ses propres peurs et des anecdotes glanées au fil des ans. Le documentariste est toujours présent en se référant explicitement au réel dans son script. Mais aussi dans son filmage, observateur et méticuleux, à hauteur des personnages, pour la plupart des enfants, pour en donner le point de vue. L’histoire du pédophile apporte un embryon d’intrigue, mais le cinéaste se garde de toute dramatisation, exposant des faits et leurs répercussions dans l’imagination de Félix. Cherchant à séparer le grain de l’ivraie, les deux s’enchevêtrent inexorablement. Ils devront passer au tamis de l’expérience pour faire un homme d’un fils.

"Les Démons" : l'affiche française
 (Paname Distribution)

LA FICHE

Drame de Philippe Lesage (Canada) - Avec :  Édouard Tremblay-Grenier, Pier-Luc Funk, Yannick Gobeil-Dugas, Laurent Lucas - Durée : 1h58 - Sortie: 14 septembre 2016
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : Félix, dix ans, enfant imaginatif et sensible, termine son année scolaire dans une banlieue d’apparence paisible. Félix a peur de tout : du possible divorce de ses parents, des maniaques qui s’en prennent aux petits garçons, des voisins louches, et même du sida. Peu à peu, les démons imaginaires de l’enfant côtoient les démons d’un monde réellement inquiétant.

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