"Les délices de Tokyo" : la vieille dame qui parlait aux haricots
"Il faut les accueillir ces haricots, ils ont pris la peine de venir jusqu'à nous depuis leurs champs". La vieille dame soulève doucement le couvercle et chuchote des encouragements aux féculents qui mijotent. Soudain, elle repère une infime variation de l'odeur de cuisson. Vite, un nouveau rinçage.
Levée dès potron-minet, Tokue consacre des heures a réussir impeccablement ses haricots rouges confits, qui donneront aux dorayakis leur saveur unique. Et demain, elle recommencera, sous l'œil admiratif de Sentaro, le vendeur de pâtisserie qu'elle a fini par convaincre de la recruter malgré son âge avancé et l'état de ses mains, mangées par la lèpre quand elle était enfant.
Comment ces deux-là se sont-ils trouvés ? Si différents et finalement si proches, leurs deux solitudes les ont rapprochés. Et derrière la vie en cuisine, c'est un rapport mère-fils qui s'installe peu à peu entre ces éclopés. Dopé par le talent de Tokue, le petit commerce prospère. Mais les acheteurs sont aussi gourmands de rumeurs, et la vieille dame va vite retrouver son statut de paria…
Inclassable, infiniment subtil et gracieux, le film de Naomi Kawase est un conte moderne. Dans ce monde froid et individualiste, Tokue est un îlot de bienveillance, attentive à chacun, elle qui sait écouter la nature, le vent, repérer la première cerise qui pousse dans les arbres immenses. Ou encourager des collégiennes à goûter à la liberté.
L'immense talent de la réalisatrice japonaise nous fait glisser sans encombre de la minuscule cuisine au destin tragique des intouchables malades de la lèpre. Un grand moment de poésie et de cinéma. Bouleversant, tout simplement.
La fiche
"Les délices de Tokyo" ("An") de Naomi Kawase, d'après le roman de Durian Sukegawa – Avec Kirin Kiki, Masatoshi Nagase et Kyara Uchida. – Durée : 1h53
Synopsis : Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaise qui se composent de deux pancakes fourrés de pâte de haricots rouges confits, « AN ». Tokue, une femme de 70 ans, va tenter de convaincre Sentaro, le vendeur de dorayakis, de l’embaucher. Elle a le secret d’une pâte exquise et la petite échoppe devient un endroit incontournable...
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