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"Les Avantages de voyager en train", le premier film monstre d’un réalisateur espagnol éblouissant

À la frontière du fantastique, le premier film d’Aritz Moreno se situe au croisement d’un Luis Buñuel et du film à sketches des années 70.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Quim Gutiérrez dans "Les Avantages de voyager en train" d'Aritz Moreno (2023).
 - (NEUE VISIONEN FILMEVERLETH)

Aritz Moreno n’emprunte pas les sentiers battus dans sa première réalisation, où les névroses de ses personnages les font basculer dans des univers aux frontières du réel. Les Avantages de voyager en train, qui sort en salles mercredi 9 août, renoue avec le surréalisme de Buñuel sous une forme qui rappelle les films fantastiques à sketches des studios britanniques des années 70. Un cocktail détonnant.

Film gigogne


Venant d’interner son mari dans un hôpital psychiatrique, Helga, éditrice, rencontre dans le train le Dr Angel Sanagustín qui lui confie les névroses les plus tordues, scabreuses et obsessionnelles de ses patients. Helga s’en trouve toute bouleversée et plonge dans sa propre introspection, au risque d’ouvrir quelque boîte de Pandore.


Aritz Moreno a pioché dans le roman d’Antonio Orejudo Utrilla De l’avantage de voyager en train plusieurs récits qui s’imbriquent les uns dans les autres sous une forme gigogne. Réputé inadaptable, l’ouvrage mélange réalisme psychologique et fiction fantasmatique dans un équilibre qui évoque les films de Luis Buñuel. La construction en trois parties, elles-mêmes nourries de digressions, rappelle la forme des films à sketches, notamment ceux des studios britanniques Tyburn (Le Train des épouvantes) et Amicus (Asylum) des années 70, pour leur teneur fantastique, avec lequel flirte Les Avantages de voyager en train.

"Antihumanisme"


La découverte d’un trafic d’enfants, une dystopie sur les déchets, une fantasmagorie coprophage et zoophile… Aritz Moreno imbrique tous ces récits dans une construction baroque vertigineuse dont on ne perd jamais le fil, sans toutefois vraiment en maîtriser la carte ni le territoire. La maturité de l’écriture égale celle de la mise en scène, avec un casting cinq étoiles, dont les comédiennes et comédiens n’ont pas des partitions faciles. Traversé par un humour des plus noirs, Les Avantages de voyager en train reflète "l’antihumanisme" dont se réclame Antonio Orejudo Utrilla dans son roman. Il dissèque la face cachée d’une humanité hantée par des monstres latents, toujours prêts à surgir et à prendre le dessus sur l'individu. Son regard en biais et celui du film, le recul et l’humour, l’élégance du filmage, sont assez talentueux pour faire passer la pilule.

Il n’est pas rare d’être dérangé par moments, et il est toujours bon, et trop rare, de l’être au cinéma. C’est signe que le film, le propos interroge. Les Avantages de voyager en train pourrait paraître l’anti-feel good movie par excellence. C’est tout le contraire, tant l’on est surpris et absorbé par tant de qualités filmiques et de valeurs iconoclastes contenues en un seul film, qui s’avère être la meilleure surprise de l’été. Prenez le train.

L'affiche de "Les Avantages de voyager en train" d'Aritz Moreno (2023). (DAMNED DISTRIBUTION)

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Aritz Moreno
Acteurs : Luis Tosar, Pilar Castro, Ernesto Alterio, Quim Gutiérrez, Belen Cuesta, Macarena Garcia, Javier Godino
Pays : Espagne / France
Sortie : 9 août 2023
Distributeur : Damned Distribution

Synopsis : Helga, éditrice madrilène, vient de faire interner son mari en clinique psychiatrique. Dans le train du retour, elle fait la connaissance du Dr Angel Sanagustín qui lui fait part de ses expériences les plus fascinantes, sordides et obsédantes. Cette rencontre bouleverse Helga et la plonge dans une profonde introspection. Et ce sont bien là quelques-uns des avantages de voyager en train.

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