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"Le Gang des Antillais", des braquages contre une trahison

Pour son deuxième long-métrage au cinéma après son "Nèg Maron" de 2005 consacré au désœuvrement d’une jeunesse antillaise laissée-pour-compte, le réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny poursuit ses obsessions, avec sincérité et conviction, en adaptant le récit autobiographique de Loïc Léry.
Article rédigé par franceinfo
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  (Happiness Distribution)

"Mon dieu, comme vous êtes Français !". Le cri du cœur d’un Français à d’autres Français, à part entière. Celui de Charles de Gaulle, à Fort-de-France en 1964, s’adressant au peuple martiniquais. C’est sur l’image de ce discours que s’ouvre le film.
 
Une image en noir et blanc suivie d’autres. Elles ont retrouvé la couleur. Nous sommes quelques années plus tard. Les Antilles sont en plein Bumidom, cette déportation de près de 70.000 personnes nées dans les départements d’outre-mer, à qui l’administration a fait miroiter une vie meilleure, pour finalement obtenir en métropole des emplois médiocres. Pas sûr que ceux-là soient d’accord avec le général.
 

Quête d’identité

 
"Le Gang des Antillais" parle d’eux, d’abord. De ces gens prêts à "payer une fortune pour repartir". De cette génération en quête d’identité, de repères. De celle qui a suivi et qui refuse de marcher dans les pas de la précédente. Le ménage ? Très peu pour eux.
 
Comme Jimmy (DjeDje Apali), en pleine galère. Il court les petits boulots et dort où il peut, avec sa fille. Alors, quand il rencontre trois jeunes antillais qui lui proposent de rejoindre la bande et de commettre des braquages de bureaux de poste, il n’hésitera pas bien longtemps. Parmi eux, Politik, braqueur exalté et idéaliste (Eriq Ebouaney), Molokoy, le toxico impulsif et imprévisible (Adama Niane, déjà impressionnant en Guy Georges dans "L’Affaire SK1"), et Liko, le plus apaisé (Vincent Vermignon).

DjeDje Apali et Romane Bohringer dans "Le Gang des Antillais"

 
De braquage, on n’en verra qu’un dans ce film. Le sujet n’est pas là, pour Jean-Claude Barny. Il s’attaque au portrait d’un homme, d’une communauté exaspérée. "Bumidom trahison", crient ces hommes en s’enfuyant. Que cela fait du bien de voir enfin au cinéma des Antillais qui sont autre chose que des réceptionnistes d’hôpitaux, ou des guichetiers de postes à l’accent improbable ! Barny filme lui des jeunes gens en colère, à la fois révoltés et conscients.
 

Lutte sociale


Il y a quelque chose de Spike Lee chez ce Barny-là. Pas dans la direction d’acteurs, pas aboutie, ni dans la mise en scène, assez peu inventive, mais dans la conviction, les obsessions. Les mêmes, au fil des œuvres.
 
Comme si le réalisateur ne cessait de faire le même film. Si son héros prend la plume pour raconter son histoire, lui prend sa caméra pour raconter la sienne. Le désœuvrement d’une jeunesse antillaise laissée-pour-compte dans "Nèg Maron" en 2005. La lutte pour la liberté dans la série "Tropiques amers" en 2007, ou les amours contrariées d’une noire et d’un blanc en Martinique, pendant le régime de Vichy dans "Rose et le Soldat".
 
Et à la fin, une rédemption, toujours. Celle ici de Jimmy qui, poussé par un Patrick Chamoiseau (Lucien Jean-Baptiste), éducateur de prison et futur prix Goncourt, comprendra que la "lutte ne doit pas être raciale, mais sociale". 

LA FICHE

Film de Jean-Claude Barny - Avec DjeDje Apal, Eriq Ebouaney, Adama Niane, Zita Hanrot et Mathieu Kassovitz.Durée 1h30. Sortie le 30 novembre 2016.

Synopsis : Dans les années 70, le Bumidom promettait de favoriser l’insertion en métropole des français des DOM-TOM. Jimmy Larivière, arrivé à Paris pour refaire sa vie, ne parvient pas à trouver sa place dans la société. Sa rencontre avec un groupe de trois jeunes Antillais va l’entraîner dans une série de braquages retentissants.

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