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"La Taularde" : Sophie Marceau en toute liberté derrière les barreaux

Après avoir été "la petite fiancée de la France" à ses débuts juvéniles, Sophie Marceau s’est forgée une filmographie exigeante, jusqu’à devenir réalisatrice, même si ses choix n’ont pas toujours rencontré la critique ou le public. "La Taularde" d’Audrey Estrougo reflète cette indépendance et cette prise de risque dans un rôle difficile, de tous les plans, sans maquillage : naturel.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Sophie Marceau dans "La Taularde" de Audrey Estrougo
 (Rouge International - Superprod)

Prisons de femmes

Sans être un genre à part entière, les films de prison sont récurrents dans le monde entier. Au mois de juin dernier sortait encore le formidable "Apprentice" de Boo Junfeng, en provenance de Singapour, sur un apprenti bourreau. Un sujet universel, où les prisons de femmes constituent une déclinaison régulière. Souvent réduit aux films de série B, sinon Z, le sujet fait l’objet de tous les fantasmes suscités par un endroit clôt uniquement peuplé de prisonnières et de gardiennes, où toutes les frustrations sont mises à contribution. Ce n’est évidemment pas la direction qu’emboîte Audrey Estrougo, scénariste et réalisatrice d’un drame, où par amour, une femme se sacrifie pour son amant, dans un mélange de force et de faiblesse psychologique.

La femme sacrificielle est un puissant thème fictionnel qui prend racine dans les rituels primordiaux remontant au-delà de l’Antiquité et dans la mythologie. Mathilde (Sophie Marceau) perpétue la tradition, même si elle accepte de se faire emprisonner après avoir organisé l’évasion de son amant, sans savoir qu’elle entraînerait mort d’homme, ce qui la fait accuser de complicité de meurtre. Ce moteur de l’intrigue est prétexte à un portrait de femme qui va se révéler dans un milieu hostile en la faisant basculer du statut de victime consentante à celui de leader.

Casting exemplaire

Ce cheminement initiatique s’effectue sous l’œil protecteur de son grand fils (Benjamin Siksou), et de son avocate (Julie Gayet) - qui lui font prendre conscience de son amour aveugle pour un opportuniste -, mais aussi sous la pression de codétenues dominatrices. A leur tête, Nato, une prédatrice qui partage sa cellule, autoritaire et violente, remarquablement interprétée par une impressionnante Eye Heidara à laquelle Audrey Estrougo avait déjà fait appel dans "Regarde-moi". Il y a aussi Marthe qu’endosse une manipulatrice et arnaqueuse Anne Le Ny, habituée aux seconds rôles marquants ("Intouchables"), également réalisatrice ("Cornouaille"). Heureusement, il y a aussi les bonnes pâtes, comme la protectrice Anita, jouée par la toujours remarquable Suzanne Clément ("Mommy", "Guy Debord s’en va-t’en guerre") et la revendicatrice Jeanne (Pauline Burlet, vue dans "La Môme" ou "Le Passé").

"La Taularde" de Audrey Estrougo
 (Rouge International - Superprod)

Audrey Estrougo a réuni ce formidable casting dominé par une Sophie Marceau en pleine possession de ses talents d’actrice, visiblement impliquée, qui joue la carte d’un naturel dénué de toute sophistication, n’hésitant pas dès la scène d’ouverture à se dénuder comme pour donner le ton. La cinéaste aurait pu resserrer son récit, mais reste maîtresse d’un scénario aux personnages très nombreux, ne négligeant personne, comme les gardiennes, toutes personnalisées. Elle y perd en teneur dramatique en voulant couvrir un spectre trop large et en faisant appel à des figures quelque peu attendues. Mais l’on peut se laisser enfermer avec elles sans crainte.

"La Taularde" : l'affiche
 (Rezo Films)

LA FICHE

Drame de Audrey Estrougo (France) - Avec :  Sophie Marceau, Suzanne Clément, Anne Le Ny, Eye Haidara, Marie-Sohna Condé, Carole Franck - Durée : 1h40 - Sortie: 14 septembre 2016
Interdit aux moins de 12 ans

Synopsis : Pour sauver l’homme qu’elle aime de la prison, Mathilde prend sa place en lui permettant de s’évader. Alors que sa survie en milieu carcéral ne dépend que de lui, Mathilde n’en reçoit plus aucune nouvelle. Isolée, soutenue uniquement par son fils, elle répond désormais au numéro d’écrou 383205-B. Mathilde deviendra-t-elle une taularde comme une autre ?

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