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"La Belle endormie" Marco Bellochio met en équation l'euthanasie

Dans une Italie économiquement laminée et au cinéma famélique, Marco Bellochio demeure depuis 1962 un cinéaste qui n’a jamais baissé les bras, exigeant et talentueux. Parmi ses derniers films l’on se souvient de son impressionnant « Vincere » sur Ida Alser, la femme cachée de Mussolini. Le cinéaste s’attaque aujourd’hui à un sujet très contemporain qui fait débat : l’euthanasie.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Isabelle Huppert dans "La Belle endormie" de Marco Bellochio
 (Francesca Fago)

De Marco Bellochio (Italie), avec : Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher - 1h50- Sortie : 10 avril

SynopsisLe 23 novembre 2008, l'Italie se déchire autour du sort d'Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d'autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l'alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique. Maria, une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu'à Rome, son père sénateur hésite à voter le projet de loi s'opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa veut mettre fin à ses jours mais un jeune médecin plein d'espoir s'y oppose de toutes ses forces.

Choral
Marco Bellochio met en équation l’euthanasie en se référant à un fait divers devenu politique. En 2008 un père réclame de « débrancher » sa fille maintenue artificiellement en vie depuis 17 ans, suite à un profond coma. L’Italie s’enflamme entre partisans et opposants à l’euthanasie, un projet de loi est soumis au Parlement, avec dans l’ombre un Sylvio Berlusconi Premier ministre manipulateur. Plutôt que trancher, Bellochio interroge un fait de société par le biais de quatre histoires édifiantes, avec une rare élégance.

Un film choral donc, mais ces quatre histoires ne se croiseront jamais. « La Belle endormie » n’est pas pour autant un film à sketches, car elles ont en commun la toile de fond du fait sociétal de cette femme dans le coma depuis 17 ans qui a mis le feu aux poudres. Quatre histoires très différentes : le sort de cette dernière, le cas de conscience d’un sénateur face au dilemme de son vote sur l’institutionnalisation de l’euthanasie, l’acharnement d’une mère à maintenir en vie sa fille dans le coma, enfin, une toxicomane suicidaire qu’un médecin s’échine à sauver de ses pulsions.
Maya Sansa dans "La Belle endormie" de Marco Bellochio
 (Francesca Fago)
Elégance
Marco Bellochio articule les quatre pans composites de son script, en passant constamment de l’un à l’autre pour mieux mettre à plat les multiples facettes, parmi d’autres, d’une question philosophique. Peut-on décider de la mort d’autrui en souffrance, ou de sa propre mort ? L’Elégance du cinéaste est de poser l’équation sans la résoudre, laissant le spectateur face à sa conscience, sans militantisme aucun, le contraire ayant été moralement  insupportable.

L’intelligence de Bellochio ne s’arrête pas là. On la trouve dans sa direction d’acteurs formidables, avec un Toni Servillo, comme toujours impeccable, en sénateur intègre, une Isabelle Huppert hallucinante en mère obsédée, recluse dans la souffrance, une Maya Sansa bouleversante en toxicomane torturée par son addiction. On la trouve aussi dans la construction d’un récit complexe parfaitement agencé et fluide sur un sujet délicat s’il en est, qui pouvait sombrer dans tous les excès. Elle réside enfin dans une mise en images aux cadrages et à la lumière d’une finesse esthétique discrète et élégante de tous les instants. Marco Bellochio touche juste, tant dans le sens que la forme : longue vie !

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