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"L'Outsider" : Christophe Barratier rouvre le dossier Kerviel

A l'instar des Américains, le cinéma français traite de plus en plus à chaud de faits de société. On a pu voir récemment "Omar m’a tuer" (2010) de Roschdy Zem, "Présumé coupable" (2011) et "L'Enquête" (2015) de Vincent Garencq, ou "Tout, tout de suite" (2016) de Richard Berry. Christophe Barratier rouvre le dossier Jérôme Kerviel, toujours en cours devant la Justice, dans "L'Outsider".
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Arthur Dupont dans "L'Outsider" de Christophe Barratier
 (2015 - Jean-Marie Leroy Galatee Films)

Magouilles

On ne présente plus Jérôme Kerviel (Arthur Dupont), présumé de manipulations frauduleuses d’un montant de 50 milliards d’euros, comme trader à la Société Général, en 2008. Toujours en jugement, l’ex-golden boy de la SG a fait 120 jours de prison et a été condamné à rembourser les pertes. Dernier épisode de ce feuilleton juridico-financier et médiatique, la reconnaissance en appel, il y a quinze jours, de la responsabilité de la banque dans la couverture des opérations financières pilotées par Kerviel. Le film de Christophe Barratier tombe fort à propos, en plaidant des circonstances atténuantes.

Si "L'Outsider" décrypte le système financier, avec une volonté pédagogique, le cinéaste donne la priorité à son personnage au centre de l’affaire qui lui donne son nom. D’origine modeste, avec en poche un diplôme lambda, mais brillant et fasciné par le monde de la finance, il va rapidement évoluer une fois embauché à la Société Générale, sous l’impulsion de son supérieur Keller (François-Xavier Demaison). Ce dernier est au cœur du processus et du film, en lui apprenant les magouilles, plus ou moins légales, permettant de gonfler les bénéfices. Kerviel va en user et en abuser, devenant le premier de la classe de la salle des marchés, jusqu’à emmener tous ses collègues vers la porte de sortie.

Le roi est nu

On n’attendait pas Christophe Barratier sur un tel sujet, plus habitué aux comédies ("Les Choristes", "Faubourg 36", "La Nouvelle guerre des boutons"). A la tête de succès populaires, le cinéaste se fend d’un thriller financier, également porteurs de succès publics tels que "Wall Street", "Margin Call" ou "Le Loup de Wall Street". Barratier se situe dans cette continuité américaine en collant aux arcanes hollywoodiens, comme dans ces plans aériens des tours de La Défense, l’interaction entre vie privée et vie professionnelle, les fiestas entre collègues… On attendait moins une référence (consciente ?) à Luchino Visconti, dans l'alternance, entre témoignages devant les pontes de la SG, des responsables de Kerviel, et l'exposé des faits. C’est également le cas dans "Ludwig, le crépuscule des dieux" où l'entourage de Louis II de Bavière témoigne devant les autorités, en parralèle aux frasques reconstituées du suzerain. Le roi comme le trader sont d’ailleurs tous deux accusés de détournement de fonds.

Arthur Dupont et François-Xavier Demaison dans "L'Outsider"
 (2015 - Jean-Marie Leroy Galatee Films)

Christophe Barratier ne s’en tire pas trop mal dans le décorticage d’une affaire compliquée, emblématique de la mondialisation, fascinante autant qu’énigmatique. Le bât blesse toutefois dans une direction d’acteurs hésitante, alors que toute cette histoire est avant tout celle d’hommes et de femmes. Une bonne idée de mise en scène : Kerviel parlant avec Mathieu, responsable de la sécurisation des opérations financières, par mobiles interposés, alors qu’ils sont face à face dans un couloir du siège de la SG. Une belle métaphore du mode de communications et des échanges, humains ou financiers, aujourd’hui tout entiers délégués au virtuel. 

LA FICHE

Drame de Christophe Barratier (France) - Avec : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, Sabrina Ouazani, Mhamed Arezki, Sören Prévost, Ambroise Michel - Durée : 1h57 - Sortie : 22 juin 2016
Synopsis : La reconstitution de l'histoire de Jérôme Kerviel, opérateur de marchés de 31 ans, à la Société Générale, qui aurait pu faire basculer la banque, voire le système financier mondial. Accusé du détournement de quelque 50 milliards d'euros, la procédure judiciaire qui le vise est toujours en cours. Comment ce jeune Breton est parvenu à devenir trader ?  Après des études convenables qui le mèneront à un DESS de finance, il est recruté en 2000 par la Société Générale où on l’affecte au "middle office", sorte de secrétariat chargé de comptabiliser les ordres passés par les prestigieux traders qui officient dans la mythique salle des marchés, considérée à l’époque comme la meilleure au monde sur les produits financiers dérivés. Entré par la petite porte, Jérôme Kerviel va gagner ses galons et sa place en apprenant vite. Très vite, trop vite.

 

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