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Dans "L’Etabli", Swann Arlaud campe un intellectuel maoïste devenu OS chez Citroën en 1968

Le film est adapté du livre du sociologue et cofondateur du mouvement maoïste Robert Linhart, qui raconte son expérience d’"établi" consistant à vivre l’expérience d’ouvrier d’usine.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Swann Arlaud dans  "L'Etabli" de Mathias Gokalp (2023). (LA PACTE)

"J’ai vécu Mai 68 comme une crise de folie" dira Robert Linhart, auteur de L'Etabli (Editions de Minuit). Jeune intellectuel parisien, il s’engage en septembre dans le mouvement des "établis" qui voit de jeunes militants comme lui expérimenter la vie des ouvriers en usine pour s’imprégner de leur vie quotidienne, et agir de l’intérieur contre les pressions patronales. C’est l’histoire de L’Etabli qui sort sur les écrans mercredi 5 avril, à voir à la chaîne.

En septembre 1968, Robert, prof de fac maoïste, se fait embaucher chez Citroën comme OS, le plus bas niveau de qualification en usine. Après une rude adaptation, et apprenant que l’usine a décidé de faire travailler les ouvriers sans rémunération trois heures par semaine pour se rembourser des accords de Grenelle (paiement des heures de grève de mai), il devient la cheville ouvrière d’un mouvement social, alors que ses collègues ne veulent plus entendre parler de politique après l’échec relatif de mai 68.

Publié en 1978, dix ans après les événements de mai, L’Etabli demeure un des témoignages majeurs sur la situation ouvrière en France pendant les Trente Glorieuses. On y découvrait les pressions patronales sur les classes laborieuses, dirigées par des technocrates méprisants, voire racistes, sous une domination patriarcale, alors que le pays sortait à peine de la plus grande crise sociale depuis le Front populaire. Un témoignage qui fait date et que Mathias Gokalp adapte avec brio après la pièce de Marie-Laure Boggio et Olivier Mellor en 2018.

Cadences infernales


Un casting en or est au charbon : Swann Arlaud est l’alter ego très convaincant de Robert Linhart ; Mélanie Thierry joue les épouses compatissantes mais frustrées ; Denis Podalydès est le patron - plus attendu mais toujours remarquable -, et Olivier Gourmet prend le rôle du syndicaliste cégétiste un peu dépassé, fataliste, qui se réveille sur le tard. Mathias Gokalp filme le travail à la chaîne en captant les souffrances et stress nés des "cadences infernales". Des pressions violentes, humiliantes s'exercent quand le travail effectué est détruit par les cadres pour manque de vélocité, et sous de faux prétextes.

Les films politiques connaissent actuellement un renouveau avec des longs métrages comme Goliath ou Les Promesses. Le cinéma social s’est parfois réfugié dans le polar (Bac Nord, La Syndicaliste), et le sujet s’est développé du côté des questions sociétales (Last Dance, Grâce à Dieu). L’Etabli revient à un courant plus classique dans la tradition des années 70. Il n’en est pas moins des plus puissants dans son message fidèle au roman autobiographique de Robert Linhart. L’actualité sociale, avec la contestation dans la rue due à la réforme des retraites, lui donne une dimension très contemporaine sur un sujet – le monde ouvrier – en voie de disparition suite à la désindustrialisation en France. Mathias Gokalp démontre quant à lui que du côté des films, la lutte continue.

L'affiche de "L'Etabli" de Mathias Gokalp (2023). (LE PACTE)

La fiche

Genre : Drame politique
Réalisateur : Mathias Gokalp
Acteurs :  Swann Arlaud, Mélanie Thierry, Denis Podalydès, Olivier Gourmet, Lorenzo Lefebvre, Malek Lamraoui
Pays :  France
Durée : 1h57
Sortie : 5 avril 2023
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Adaptation du roman éponyme de Robert Linhart.
Quelques mois après mai 68, Robert, normalien et militant d’extrême gauche, décide de se faire embaucher chez Citroën en tant que travailleur à la chaîne. Comme d’autres de ses camarades, il veut s’infiltrer en usine pour raviver le feu révolutionnaire, mais la majorité des ouvriers ne veut plus entendre parler de politique. Quand Citroën décide de se rembourser des accords de Grenelle en exigeant des ouvriers qu'ils travaillent trois heures supplémentaires par semaine à titre gracieux, Robert et quelques autres entrevoient alors la possibilité d'un mouvement social.

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