"Kings" : le deuxième film de la réalisatrice de "Mustang" lui échappe
"Biglowien"
A Los Angeles en 1992, Millie (Halle Berry), Afro-américaine, recueille sous son toit des enfants de tous âges en attente d’être adoptés. Son voisin (Daniel Craig) est dérangé par cette marmaille bruyante, et il la fustige constamment. Quand éclatent les émeutes suite à l’affaire Rodney King, qui a vu la relaxe des policiers blancs responsables du tabassage mortel d’un jeune afro-américain, les deux antagonistes vont se rapprocher.C’était un boulevard qui s’offrait à Deniz Gamze Ergüven, d’évoquer les émeutes de Los Angeles de 1992. Problème : Kathryn Bigelow a sorti l’an dernier "Detroit" sur les émeutes raciales de 1967 avec le talent qu’on lui connaît. Sans vouloir comparer deux traitements de sujets proches, le résultat démontre que l’on n’est pas dans la même cour. D’ailleurs les meilleurs moments de mise en scène de Deniz Gamze Ergüven dans "Kings" évoquent la cinéaste américaine. Dans la nervosité palpable de l’image, qu’elle transcrit fort bien. Tout comme dans son montage qui alterne des images que l’on croirait issues de reportages TV (peut-être vraies ?) et de reconstitution. Un procédé très "biglowien".
Au dépend de son plein-gré
Mais ce rapprochement n’est pas tant un reproche que le constat d’une ambition qui ne parvient pas à se concrétiser. D’abord en raison d’une lacune narrative patente. Si la première scène de cette gamine noire volant un soda, abattue par une épicière coréenne (cf. "Do the Right Thing" de Spike Lee) est maîtrisé, la suite n’est pas du même acabit. L’on ne croit pas une seconde à cette femme ayant à résidence une dizaine de gosses de tous âges. Pas plus qu'à son rapprochement en période de crise avec son voisin récalcitrant. Le récit joue d’ellipses à répétition, alors que des scènes anodines sont étirées à loisir. Quant à la longue séquence du lampadaire urbain, qui se veut burlesque, c’est un ratage complet. Des déséquilibres qui font rejaillir la faiblesse d’interprétation des acteurs, pourtant plus qu’estimables, Halle Berry et Daniel Craig, tous deux inexistants.Malgré de beaux efforts de mise en scène, "Kings" passe totalement à coté de son sujet en raison… en raison de quoi au juste ? Du fait que le film semble avoir échappé à Deniz Gamze Ergüven, sa réalisatrice. Les ellipses du film ne semblent pas naturelles, comme si le film avait été élagué par la production. Court (1h27), il n’en parait pas moins fort long. Symptôme d’un bidouillage de producteurs qui ne laissent pas leur réalisateur(trice) avoir le regard final ("director cut") sur leur film. Ce qui ne serait pas étonnant pour une novice en charge d’un tel casting. Aussi cet échec pourrait être un atout, comme démonstration d’un talent empêché, au "dépend de son plein-gré".
LA FICHE
Réalisateur : Deniz Gamze Ergüven
Pays : France / Etats-Unis
Acteurs : Halle Berry, Daniel Craig, Kaalan Walker, Lamar Johnson, rachel Hilson, isaac Brown, Kevin Carroll, Rick Ravanello
Sortie : 11 avril 2018
Synopsis : 1992, dans un quartier populaire de Los Angeles.
Millie s’occupe de sa famille et d’enfants qu’elle accueille en attendant leur adoption.
Avec amour, elle s’efforce de leur apporter des valeurs et un minimum de confort dans un quotidien parfois difficile. A la télévision, le procès Rodney King bat son plein. Lorsque les émeutes éclatent, Millie va tout faire pour protéger les siens et le fragile équilibre de sa famille.
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