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Ken Loach décevant sur un beau sujet, avec "Jimmy's Hall"

Cela faisait des lustres que Ken Loach avait déçu sur la Croisette. Mais son "Jimmy's Hall", sur une figure de la politique irlandaise des années 30, pratiquement inconnue de ce côté-ci de la Manche, ne convainc guère. Le film a été pourtant chaudement applaudi à Cannes, sans doute plus pour son réalisateur et son sujet que son traitement.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Simone Kirby et Barry Ward dans "Jimmy's Hall" de Ken Loach
 (Joss Barratt/Sixteen Films Why Not Productions)
La note Culturebox
2 / 5                  ★★☆☆☆

Réalisé par Ken Loach (Royaume-Uni/France), avec Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton - 1h46 - Sortie : 2 juillet 2014

Synopsis : 1932 - Après un exil de 10 ans aux États-Unis, Jimmy Gralton rentre au pays pour aider sa mère à s'occuper de la ferme familiale. L'Irlande qu'il retrouve, une dizaine d'années après la guerre civile, s'est dotée d'un nouveau gouvernement. Tous les espoirs sont permis… Suite aux sollicitations des jeunes du Comté de Leitrim, Jimmy, malgré sa réticence à provoquer ses vieux ennemis comme l'Eglise ou les propriétaires terriens, décide de rouvrir le "Hall", un foyer ouvert à tous où l'on se retrouve pour danser, étudier, ou discuter. À nouveau, le succès est immédiat. Mais l'influence grandissante de Jimmy et ses idées progressistes ne sont toujours pas du goût de tout le monde au village. Les tensions refont surface.
Manque d'entrain
En effet, le film tourne à minima et ennuie au bout de quelques minutes pour ne pas se relever. L'acteur Barry Ward dans le rôle de Jimmy Gralton, activiste communiste de retour des Etats-Unis après un premier exil, ne dégage aucunement le charisme que ressentent tous ses partisans, dans ce village irlandais mené d'une main de fer par des conservateurs de première catégorie. Avec en tête le père Sheridan, lui, campé par un très convaincant Jim Norton.

Rien ne se distingue dans ce film monocorde, pourtant au fort potentiel, où l'on retrouve la fibre politico-sociale du metteur en scène britannique qui avait si bien su nous faire vibrer à la résistance irlandaise avec "Le Vent se lève", Palme d'or à Cannes en 2006. La reconstitution sans relief, un scénario linéaire aux péripéties répétitives, aux relances laborieuses, fait décrocher de ce beau sujet. Etonnant que Loach ne parvienne pas à plus le dynamiser, lui, d'habitude plein de verve et à l'enthousiasme communicatif, avec des partis-pris forts.
Jim Norton dans "Jimmy's Hall" de Ken Loach
 (© Joss Barratt/Sixteen Films Why Not Productions)

Clap de fin ?
L'on sent bien la dimension des enjeux, l'opposition cléricale dominante à une idéologie communiste du côté des plus démunis, alors que l'Eglise, du bord des nantis, devrait se tourner vers eux. Certains échanges arrondissent les angles d'un manichéisme primaire, avec un exposé plus subtil, notamment lors de la prise de parole du père Seamus (Andrew Scott) rappelant la mission de l'Eglise envers les déshérités.

Mais le bilan reste mitigé. Comme si Loach passait à côté d'un sujet qui lui tient à cœur. Espérons que l'annonce de sa productrice Rebecca O'Brien faisant de "Jimmy's Hall" son dernier film, ne se vérifiera pas. Il serait dommage qu'une aussi belle carrière et un aussi grand talent se termine sur une demi-teinte.

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