Dérive"Jusqu'à la garde" est l'opposé d’un film procès (cf. "Kramer contre Kramer"). Il raconte des faits et non le conflit procédural entre une femme et un homme qui divorcent et se disputent la garde des enfants. Rien à voir. Xavier Legrand ouvre pourtant son film sur la rencontre du couple avec une juge (voir la bande annonce). Il part d’un acte de justice, pour raconter comment ils en sont arrivés là, et enchaîne sur les conséquences de cette décision qui va les faire partir à la dérive. Jusqu’à un dénouement tragique. Un des talents d’écriture est non seulement contenue dans cette approche, mais surtout d’éviter tout manichéisme. Ce n’est pas parce qu’Antoine (formidable Denis Ménochet) a un physique massif qu’il est violent envers sa femme, nombre de scènes montrent son émotivité. Tout comme ce n’est pas parce que Miriam (remarquable Léa Drucker) est mutique, qu’elle le méprise, et qu'elle n'est pas violente. C’est la progression narrative qui fait tout le sens de "Jusqu'à la garde". Par petites touches, de plus en plus accentuées (la scène de l’anniversaire) la tension monte entre deux êtres, jusqu’à un climax qui fait basculer le scénario dans le fait divers, et la mise en scène dans le film de genre. Sous le soleil de Pialat Ce qui fait de "Jusqu'à la garde" un film rare, ce sont ses qualités cinématographiques. Elles reflètent l’émergence d’un vrai cinéaste, novateur et dans la continuité de ses pairs. D’abord Maurice Pialat, dont le réalisme jaillit dans l’image, le rythme et la dramaturgie. Si l’on pense à "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972), c’est pour la répétition des scènes conflictuelles, mais Xavier Legrand leur donne une dynamique qui les amplifie, par des scènes clé, surtout dans les rapports père/fils qui occupent la majeure partie du récit. Comme si le film prenait le contrepied du "Garçu", toujours de Pialat, où un homme s’épanouit au contact de son fils retrouvé. Dans "Jusqu'à la garde", il est (sont) à jamais perdu(s) l'un pour l"autre. Thomas Giora dans "Jusqu'à la garde" de Xavier Legrand (Haut et Court) Formidable mise en scène et en images dans le test de grossesse de Joséphine (Mathilde Auneveux), cadré longuement sur ses pieds dans les toilettes du lycée. Pourtant l’on comprend tout, jusqu’à son émotion. Jamais vu. Comme beaucoup d’autres choses dans "Jusqu'à la garde". Les longs plans où il ne se passe rien, voire où l’on ne voit presque rien, pour jouer d’une temporalité dramatique poussée à bout. Les regards de Miriam, Léa Drucker, qui parlent plus que des mots, enfermée dans son non-dit, pour se protéger. Ils vont pourtant faire éclater la colère d’Antoine, Denis Ménochet, dans une scène apocalyptique finale.Si ces deux acteurs confirmés sont de toute beauté à l’œuvre, le jeune Thomas Gioria qui interprète ce fils de tous les conflits, Julien, est incroyable de véracité. Encore une fois, dans la lignée d’une direction d’acteurs à la Pialat. "Jusqu'à la garde" incarne un cinéma français régénéré : en Xavier Legrand, un cinéaste est né. "Jusqu'à la garde" : l'affiche (Haut et Court) LA FICHEGenre : DrameRéalisateur : Xavier Legrand Pays : FranceActeurs : Denis Ménochet, Léa Drucker, Mathilde Auneveux, Thomas Giora, Florence Janas, Mathieu Saïkali, Sophie PincemailleDurée : 1h33Sortie : 31 janvier 2018Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.