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"Hôtel Singapura", quatre étoiles, amour et sexe à tous les étages

Le Singapourien Eric Khoo était passé par Cannes en 2008 avec son excellent "My Magic". Cette année, Singapour était encore sur la Croisette avec le choc "Apprentice" de Boo Junfeng. Khoo confirme son talent dans "Hôtel Singapura", bourré d’inventions, tant dans l’écriture que visuelles. Un film à sketchs qui n’en serait pas un, tant sa fluidité éblouit, plein de sensualité et d’humour.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
"Hôtel Singapura" de Eric Khoo
 (Copyright Version Originale Distribution)

Hôtel de la gare

Comme le train, l’hôtel est un décor privilégié au cinéma ("Hôtel du Nord", "Psychose", "2046", "Bird People"…). Dernièrement, c’était l’irrésistible "The Grand Budapest Hôtel" (2014) de Wes Anderson. Lieu de passage, il est comme le motif ferroviaire fortement marqué par le temps, la nostalgie qu’il inspire, et les moments heureux, ou les plaisirs fugaces, auxquels il est associé. Le lieu absolu du "lâcher- prise". Wong Kar-Wai ne s’y trompait pas dans son diptyque "In the Mood for Love" et "2046". Quel film rend plus compte du passage du temps que ces deux oeuvres du maître Hongkongais ?

Eric Khoo ne manque pas de lui rendre hommage dans "Hôtel Singapura", lors du dernier plan qui renvoie expressément au "2001" des histoires d’amour qu’est "2046".  Car le film d’Eric Khoo ne parle que de sexe, d’amour et de temps. Dans ce qui est devenu un bouge sordide, Damiens se souvient du passé glorieux de l’Hôtel Singapura, et de la chambre 217 où son destin a basculé. Tout le film se déroule dans cette seule et unique pièce, à peine dans un couloir. Mais à chaque étape, dans les années 60, 70, 80, 90, 2000 et plus, le décor et les personnages changent, les histoires aussi ; lui pas, et pour cause…

"Hôtel Singapura" de  Eric Khoo
 (Version Originale / Condor)

Hôtel des antipodes

Fantôme bienveillant, il pousse bien un peu le sort des locataires, par jeu, toujours à bon escient. Damiens les prend en compassion, les aide, s’en amuse. La soubrette qui fera toute sa carrière dans l’hôtel sent sa présence réconfortante et s’en réjouit, dans la chambre 217. Cette bienveillance reflète celle de Khoo envers ses personnages, dépeint avec respect, plus, avec amour. Il n’a pas écrit le scénario (signé Christine Sham et Christopher Khoo), mais en est visiblement tombé… amoureux.  Car ce qui pourrait être une excellente pièce de théâtre par le huis clos de la chambre, est sublimé par les changements constants de décors, son exploitation de l’espace et des couleurs, passant du glauque à la palette d’un Jacques Demy.

"Hôtel Singapura" démontre la vitalité de ce cinéma venu d’un pays du bout du monde que l’on peine à situer sur la carte, et dont on ne connaît pas l’histoire. Au fil des ans, Eric Khoo s’est avéré le chef de file du nouveau cinéma singapourien, avec "My Magic" (2008), où son excellent film d’animation "Tatsumi" (2011). S’attarder dans la chambre 217 est un bain de jouvence, une leçon de cinéma et de poésie, légère, profonde et délicieuse, nacrée comme une perle des antipodes.

Hôtel Singapura C
 "Hôtel Singapura" : l'affiche française Version Originale / Condor

LA FICHE

Drame de Eric Khoo (Singapour/Hong-Kong) - Avec : Josie Ho, George Young, Choi Woo-ShikKkobbi Kim, Boon Pin Koh - Durée : 1h44 - Sortie: 24 août 2016
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement

Synopsis : C’est le premier jour d’Imrah comme femme de chambre à l’Hôtel Singapura. Dans la suite n°27, un groupe de pop est venu fêter le nouvel an. Parmi eux, leur chanteur Damien est dans un état second quand il croise Imrah dans le couloir. Bien plus tard, dans ce même hôtel, une japonaise laisse filer son amant, un travesti reçoit son dernier plaisir avant l’opération, une touriste couche devant son meilleur ami… Mais toujours Imrah, en rangeant la chambre, se souviendra de sa rencontre avec Damien.

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