Cet article date de plus de dix ans.

"Hippocrate" : l'hôpital comme si vous y étiez

Très bien accueilli à la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes, Valon d’or au récent Festival du film francophone d’Angoulême, "Hippocrate" fait indéniablement de l’effet, par son mélange d’humour, de réalisme et d’émotion. Thomas Lilti en a également écrit le scénario, comme pour ses deux précédents films ("Charlie et Greg" et "Les Yeux bandés").
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Vincent Lacoste et Reda Kateb dans "Hippocrate" de Thomas Lilti
 (Le Pacte)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

 De Thomas Lilti (France), avec :  Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin, Marianne Denicourt - 1h42 - Sortie : 3 septembre 2014

Synopsis : Benjamin va devenir un grand médecin, il en est certain. Mais pour son premier stage d’interne dans le service de son père, rien ne se passe comme prévu. La pratique se révèle plus rude que la théorie. La responsabilité est écrasante, son père est aux abonnés absents et son co-interne, Abdel, est un médecin étranger plus expérimenté que lui. Benjamin va se confronter brutalement à ses limites, à ses peurs, celles de ses patients, des familles, des médecins, et du personnel. Son initiation commence.

Beau casting
Thomas Lilti ne s’en cache pas, son film est largement autobiographique, s’inspirant de ses douze années de médecine et de son passage à l’internat en hôpital. De cette expérience émane le très grand réalisme du film pour transmettre le vécu au quotidien d’un hôpital. Pas de grands exploits chirurgicaux ou de frime, comme dans les série hospitalières américaines. Mais une texture dramatique fait de mille et une petites choses traduites avec un humour peaufiné et des situations qui transcrivent les aléas de la vie sociale, humaine et professionnelle en milieu hospitalier.

Si "Hippocrate" parvient à ses fins, c’est en grande partie grâce à ses acteurs, Vincent Lacoste, mais surtout un formidable Reda Kateb, accompagnés de Jacques Gamblin et Marianne Denicourt. Pratiquement tout le film se déroule en huis-clos dans l’hôpital. L’on n’en sort pratiquement jamais, comme les médecins, internes, infirmiers et infirmières qui y passent le plus clair de leur temps. Jamais, sans doute, la réalité hospitalière n’a été auscultée de si près : l’attachement aux patients, la compétition, les petites trahisons aux conséquences fatales, les dysfonctionnements structuraux, la gestion des familles, les défoulements expiatoires, la promiscuité avec la mort…

Reda Kateb, Jacques Gamblain et Marianne Denicourt dans "Hippocrate de Thomas Lidlit
 (Le Pacte)

Vu de l’intérieur
Thomas Lilti filme au plus près de la réalité hospitalière sans jamais tomber dans le pathos. Grâce à son humour savamment dosé et souvent hilarant, il fait passer le message, tout en rendant compte des faits et gestes de la médecine "interne" et non des exploits chirurgicaux, le plus souvent traitée dans le sujet hospitalier au cinéma ou à la télévision. Non, ici, il n’est question que de personnes âgées en fin de vie, ou d’alcooliques. Ils n’en sont pas moins entre la vie et mort et le personnel les accompagnant totalement dévoués.

La crise que traverse l’hôpital public depuis l’introduction de la notion de "rentabilité" dans le système de santé est traitée de front et exposée avec réalisme, sans ostentation, mais conviction. "Hippocrate" parvient à la rare alchimie de distraire et d’apprendre mille et une choses sur une institution majeure, pour beaucoup fascinante, mais à plus d’un titre mystérieuse. Vue de l’intérieur sans être documentaire, mais porté par une réelle dramaturgie, "Hippocrate" est une belle perle à ne pas rater.     

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.