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"Halte" : film fleuve d'anticipation à la beauté nocturne envoûtante

Privée de soleil, une partie de la Terre est enténébrée dans une nuit éternelle : c’est le point de départ de "Halte", magnifique film d’anticipation du réalisateur philippin Lav Diaz.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"Halte" du réalisateur philippin Lav Diaz (Copyright Lav Diaz / ARP)

Film de 4h40 en noir et blanc sous-titré, Halte pourrait rebuter plus d’un spectateur. Un a priori qui ferait passer à côté de ce splendide film d’anticipation du Philippin Lav Diaz, un habitué des longs-métrages au long-cours (La Saison du diable – 3h54, La Femme qui est partie – 3h46, en attendant Berceuse pour un sombre mystère – 8h05, qui doit sortir prochainement). Dans Halte, sur les écrans mercredi 31 juillet, l’Asie du Sud-Est est plongée dans les ténèbres suite à d’effroyables éruptions volcaniques, engendrant des conséquences terribles pour des millions d’habitants.

Différent et vivifiant

En 2034, trois ans après une série d’éruptions dans la mer de Célèbes, toute une partie de l’Asie est plongée dans une nuit sans fin, suite à la présence dans le ciel de poussières volcaniques qui obscurcissent le soleil. Aux Philippines, la catastrophe est suivie d’une effroyable épidémie de grippe, la Tueuse noire, qui décime des millions d’habitants. Les survivants qui n’ont pas réussi à fuir le pays vivent sous la férule d’un dictateur fou qui réprime avec violence la moindre résistance. Tout un chacun tente de survivre dans un monde enténébré, en proie à la maladie et à la misère. La force de vivre n’anéantit pas pour autant tout espoir…CMS-ContentHasMedias_3965735Léopard d’Or à Locarno en 2014 pour From What is Before, Lion d’or de la Mostra de Venise en 2016 avec La Femme qui est partie, sélectionné à Cannes, Berlin, et Toronto, Lav Diaz est devenu une figure incontournable du cinéma mondial, alors que ses films sortent encore parcimonieusement en France. Souhaitons qu’il en aille autrement avec Halte où sont réunies toutes les qualités d’un cinéma différent et vivifiant.

Producteur, réalisateur, scénariste, acteur, directeur de la photographie, monteur, musicien : Lav Diaz a tout d’un démiurge, seul maître à bord de ses films. Reposant sur un présupposé simple mais efficace – une Terre plongée dans les ténèbres-, Halte développe un scénario riche en personnages creusés, en situations et intrigues diverses et variées. Son traitement de l’image, tout en plans fixes, aux cadrages très composés, où domine un noir et blanc franc sans grisaille, renvoient à l’expressionnisme des années 1920 et 30, avec une modernité toute contemporaine.

Paranoïa dictatoriale

Dans Halte, Lav Diaz prolonge son approche de la loi martiale instaurée par le président Marcos aux Philippines en 1979 traitée dans La Saison du diable, en la développant dans un environnement futuriste. La nuit qui enveloppe le film est par métaphore celle des heures sombres que traverse le pays. La résistance de rebelles dispersés se retrouve également dans les deux films. Des acteurs fidèles (Piaolo Pascual, Hazel Orencio) jouent au côté de l’extraordinaire Joel Lamangan qui campe un président Navarra remarquable dans sa paranoïa dictatoriale.

"Halte" du réalisateur philippin Lav Diaz. (Copyright Lav Diaz / ARP Sélection)
Plusieurs intrigues liées aux personnages construisent ce qui pourrait s’apparenter à un film choral. Mais Halte est éloigné de cette forme, plus identifiée à la comédie dramatique. Ici le drame domine, la faim, la maladie, la soumission, l’oppression sont à chaque coin de rue. Des drones de surveillance vérifient les identités sous une pluie quasi-constante, et les forces de l’ordre tirent à vue, sans sommation. Le film décrypte le basculement d’un pays dans la dictature, sous le pouvoir d’un homme qui déraille. Il pointe aussi le ralliement d’opportunistes, mais également l’apathie d’une population qui s’y plie et par défaut, y consent. C’est pourtant d’elle que viendra le salut.

Alors que les spectateurs sont près à enquiller des heures de séries les unes après les autres, le format de près de 5h00 du film devrait satisfaire cette appétence, d’autant que Halte est constamment relancé et rythmé. Nocturne, Halte joue des codes du film noir et de science-fiction, sur un scénario riche et astucieux, à la mise en scène inventive, au service d’un message humaniste, contemporain et ambitieux.

"Halte" du réalisateur philippin Lav Diaz (Copyright Lav Diaz / Arp Sélection)

La fiche

Genre : Science-Fiction / Anticipation / Drame
Réalisateur : Lav Diaz
Acteurs : Piolo Pascual, Joel Lamangan, Shaina Magdayao
Pays : Philippine / Chine
Durée : 4H39
Sortie : 31 juillet 2019
Distributeur : ARP Sélection

Synopsis : 2034. Cela fait trois ans que l’Asie du Sud-Est est dans le noir, littéralement. Le soleil ne se lève plus, suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes. Des fous dirigent les pays, les communautés, les enclaves et les villes. Des épidémies cataclysmiques ont ravagé le continent. Ils sont des millions à être morts, des millions à être partis. La misère et la pauvreté sont partout, alors qu'un embryon de résistance est persécuté par les autorités menées par un dictateur fou.

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