"Gaspard va au mariage" : comédie en liberté avec de drôles de zèbres
Godard en fond de cour
Se référer à Godard en ouverture de la critique d’une comédie peut faire peur. Détrompez-vous, "Gaspard va au mariage" est plein de légèreté, ce dont Godard n’est jamais très loin, alors qu’une image d’"intello" lui colle, bien qu’il ne soit qu’émotion… L’intellectualiser est réducteur. Godard, c’est avant tout un cinéma sensuel. Le film d’Antony Cordier le recoupe. D’une part, en raison du soin visuel apporté à l’image, au plan, qui caractérise le maître. D’autre part, dans la liberté de ton, la continuité narrative, qui part de droite à gauche, tout en restant harmonieuse.Le point de départ, dans cette perspective, est logiquement improbable : inviter une inconnue au remariage de son père. La suite ne s’en démarquera pas. D’abord l’arrivée de ce faux couple dans un zoo dirigé par une famille "décomposée". Pas au sens commun, car unie sous le même toit : un père, veuf, ses deux fils (Gaspard revenu après une longue absence, et Virgil, le gérant), et Coline, toujours revêtue d’une peau d’ours depuis qu’elle a perdu son animal fétiche enfant. Quant au père (parfait Johan Heldenbergh), qui veut se marier à Peggy (Marina Foïs), il soigne son exéma en se faisant manger ses peaux mortes par des poissons… Antony Cordier détourne les codes, comme Godard le faisait par rapport au polar, genre dominant aux époques d’"A bout de souffle", de "Pierrot le fou", de "Détective" ou du film sentimental avec "Le Mépris".
Cool
Loufoque est le terme qui vient à l’esprit. Pas burlesque, de situation, ou de répartie, l’humour de "Gaspard va au mariage" émane de sa légèreté. Son irrespect des règles. Iconoclaste. Une légèreté qui émane d’une écriture progressive, au travail, comme chez Godard. C’est en tout cas le sentiment qu’il en émane. Et c’est grand bien, tant les conventions sont de nos jours de circonstance.Cette liberté fait du bien à voir. Cette liberté d’écriture, de ton, de filmage, d’interprétation (pas toujours réaliste, volontairement), est un geste de création dans un cinéma consensuel. Mais pour nous dire quoi ? Cette famille atypique prône la différence, s’en réclame. De ne pas aller dans le sens du vent, de ne pas être là où on l’attend. Comme les animaux du zoo, imprévisibles (un caribou à deux têtes…). Un futur marié volage, incertain, mais qui aime ; un fils détaché, amoureux, défié par une inconnue ; un autre, en apparence rationnel, mais en réalité dans son monde ; une fille, femme-enfant aux instincts incestueux, mais au fond la plus fidèle et raisonnable…
Cela peut sembler compliqué. Mais c’est tout le contraire : la réussite d’Antony Cordier est de faire passer cette complexité par la légèreté, comme par instinct animal. Tout coule, "cool", avec une dramaturgie cohérente, sous une forme improvisée, mais en fait des plus maîtrisées. Réjouissant.
LA FICHE
Réalisateur : Antony Cordier
Pays : France
Acteurs : Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret, Johan Heldenbergh, Guillaume Gouix, Marina Foïs, Vincent Deniard
Durée : 1h40
Sortie : 24 janvier 2018
Synopsis : Après s'être tenu prudemment à l'écart pendant des années, Gaspard, 25 ans, doit renouer avec sa famille à l'annonce du remariage de son père. Accompagné de Laura, une fille fantasque qui accepte de jouer sa petite amie le temps du mariage, il se sent enfin prêt à remettre les pieds dans le zoo de ses parents et y retrouver les singes et les fauves qui l'ont vu grandir... Mais entre un père trop cavaleur, un frère trop raisonnable et une sœur bien trop belle, il n'a pas conscience qu'il s'apprête à vivre les derniersjours de son enfance.
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