"Free State of Jones", film humaniste sur la Guerre de Sécession
Independence Day
Alors que le cinéma américain dégaine plus vite que son ombre sur les sujets les plus chauds (Guerre du Vietnam, affaire du Watergate, Attentat du 11 septembre…), la Guerre civile, ou Guerre de Sécession (1861-1865) a inspiré peu de films traitant le sujet de front ("Les Cavaliers", "Glory"…), alors qu’ils sont nombreux à l’évoquer en toile de fond ("Autant en emporte le vent", "Les Proies", "Danse avec les loups" ou l’italo-ibéro-allemand "Le Bon, la brute et le truand" …). Seule guerre américaine s’étant déroulée sur le territoire national, elle fut des plus meurtrières avec 624.000 morts en 4 ans, soit 2% de la population. Son traumatisme est d’autant plus fort qu’elle fut un conflit intérieur entre les Etats du Sud et du Nord, résultant de la précipitation qui accompagna l’Indépendance de 1776.Comme "Danse avec les loups", "Free State of Jones" s’ouvre sur une scène de bataille et d’hôpital de guerre très réaliste, évocatrice de la violence et de la boucherie des combats, ce qui vaut au film de sortir en salles avec "Avertissement". Ce ne sont pas les horreurs de la guerre qui vont pousser Newton Knight (Matthew McConaughey) à déserter l’armée confédérée et à se révolter contre elle, mais son attitude à l’égard des fermiers abusivement ruinés par l’effort de guerre. Les rebelles ne rejoignent pas pour autant l’Union, surtout quand son aide s’avère très en-deçà des besoins. D’où la proclamation de l’Etat libre de Jones ("Free State of Jones") qui rassemble trois comtés, indépendants du Sud comme du Nord.
Politique
Cette indépendance élague tout manichéisme simpliste. Même si les confédérés s’avèrent l’agent du mal face à des civils privés de leurs biens, ces derniers ne font pas l’unité, en raison de l’égalité proclamée entre blancs et noirs dans les rangs révolutionnaires. Le film prend une tournure politique en ces temps de présidentielle américaine, où les sujets raciaux et sécuritaires sont des thèmes de campagne de Donald Trump, avec sa promesse de mur entre le Mexique et les Etats-Unis, ou l’interdiction de territoire aux musulmans. Les bavures policières à répétition perpétrées par des blancs contre des afro-américains participent également d’un climat délétère. Le parallèle effectué dans "Free State of Jones" avec un procès des années 1930 dénonce la pérennité des thèses raciales. Comme "Django Unchained" de Quentin Tarantino ou "12 Years a Slave" de Steve McQueen, "Free State of Jones" pourrait être qualifié de film "obamien", à l’image des films dits "reaganiens" ("Rambo" II et III) ou "bushiens" ("Independence Day") des années 80-90.
Guy Ross prend son temps pour exposer son histoire complexe, au rythme languissant de l’accent du Mississippi, lieu du récit. Ce qui est un atout de sa mise en scène, à contre-courant de la frénésie des films américains actuels. Le film ne manque pas pour autant d’action, d’émotion et de suspense, dans un cadre pratiquement entièrement tourné en extérieur. La reconstitution joue d’un réalisme sobre, en phase avec la guerre et le milieu rural sud-américain du XIXe siècle. Matthew McConaughey est tout à fait à sa place et remarquable dans la peau du leader humaniste et charismatique. Passionnant et juste, militant, "Free State of Jones" souffle un vent de civisme et de tolérance dans une conjoncture où de telles valeurs sont violemment bousculées.
LA FICHE
Drame/Action de Guy Ross (Etats-Unis) - Avec Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali - Durée : 2h19 - Sortie: 14 septembre 2016
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Synopsis : En pleine Guerre de Sécession, Newton Knight, courageux fermier du Mississippi, prend la tête d’un groupe de modestes paysans blancs et d'esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Formant un régiment de rebelles indomptables, Knight et ses hommes ont l'avantage stratégique de connaître le terrain, même si leurs ennemis sont bien plus nombreux et beaucoup mieux armés. Résolument engagé contre l'injustice et l'exploitation humaine, l'intrépide fermier fonde le premier État d'hommes libres où Noirs et Blancs sont à égalité.
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