[DEAUVILLE] « Compliance » : l’expérience de Migram au fast food
Synopsis : Lors d’une journée particulièrement chargée, Sandra, gérante d’un fast-food d’une banlieue de l’Ohio, reçoit l’appel d’un policier accusant l’une de ses employées d’avoir volé un client. Le croyant sur parole, Sandra place Becky sous surveillance, entrant ainsi dans une situation qui va bientôt tous les dépasser.
Minimalisme visuel, effet extrême
Le message s’inscrit en énormes lettres capitales sur toute la largeur de l’écran scope avant que ne défilent les premières images. « Ce film s’inspire de faits réels ». Premier long métrage de Craig Zobel, « Compliance » (litt. : docilité), dernier film en compétition à Deauville, a mis mal à l’aise toute la salle, en exposant un cas de manipulation à distance, déduits de 70 cas similaires qui se sont produits dans 30 Etats des Etats-Unis ces dernières années.
Un homme appelle au téléphone un responsable d’une quelconque entreprise, en se faisant passer pour un membre des forces de l’ordre, lui dicte de séquestrer un employé sur un faux motif et le manipule pour humilier au dernier degré la victime sous sa coupe, en lui faisant décrire ses réactions. Un scénario incroyable qui renvoie à la célèbre expérience de Migram (des personnes envoient des décharges électriques à un inconnu sous les ordres d’une autorité). Sur ce schéma « Compliance » développe avec une économie extrême de moyens une tension psychologique et un malaise qui va crescendo jusqu’au dénouement que l’on ressent comme une libération.
Fragile humanité
Plusieurs spectateurs sont sortis de la salle peu avant la fin du film, alors qu’aucune image violente ou scabreuse n’était à l’écran. Mais le malaise est tel que ce qui est suggéré devient insupportable. « Compliance » repose sur une longue conversation téléphonique entre le manipulateur et ses différents interlocuteurs qu’il pousse à commettre des actes répréhensibles sous le seul effet de son autorité prétendue. L’expérience de Migram à démontré l’effectivité d’un tel processus psychologique. Des pervers semblent s’en être emparés pour assouvir leurs propres pulsions déviantes.
Le film de Craig Zobel, est formellement d’une sobriété exemplaire. Ses protagonistes (hormis le manipulateur) sont persuadés d’agir en toute honnêteté, en obéissant à une autorité légale qui leur réclame de commettre des actes allant à l’encontre de tout bon sens et de toute décence, sans motif patent. Il en seront également les victimes, le processus pouvant aller jusqu'à briser leur vie. Le cinéaste n’émet aucun jugement, mais expose froidement des faits, après avoir rassemblé plusieurs témoignages et enquêtes pour en faire une synthèse, un cas d’école, révélateur de la fragilité de la nature humaine. Tendu, dérangeant, voire perturbant : passionnant.
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