"Dawson City : le temps suspendu", documentaire exceptionnel sur l'histoire d'une ville entre ruée vers l'or et débuts du cinéma
Des images déterrées, découvertes lors d'un chantier dans une ville perdue du nord-ouest canadien qui connût sa grande époque lors de la ruée vers l'or en 1896. Une mine !
Les histoires de cinéma sont souvent romanesques. Quand elles concernent les premiers temps du 7e art, elles se teintent d’histoire tout court, et ici d’archéologie. N’appelle-t-on pas cette époque reculée des premiers films, le cinéma archaïque ? Dawson City : le temps suspendu, qui sort mercredi 5 août, met au jour les images tournées au temps de la ruée vers l’or, et des extraits des films projetés dans les cinémas de Dawson, dans le nord-ouest du Canada, jusque dans les années 1920. Elles retracent une histoire oubliée et inédite : une découverte.
Point de non-retour
1978, Dawson City : des travaux d’excavation sous une ancienne piscine mettent au jour des centaines de bobines de films au nitrate, très inflammables. Cette composition de la pellicule atteste de l’ancienneté de ces bandes qui témoignent de l’histoire de la ville, depuis sa naissance autour de 1896, après la découverte d’un filon d’or qui va la faire prospérer pendant une quarantaine d’années. Entre images d’archives d’actualité, de fictions, de photographies, et de quelques interviews, une mémoire ancestrale revit.Ce documentaire aux images inédites constitue un patrimoine historique exceptionnel. Située à 560 kilomètres au sud du cercle polaire arctique, dans le nord canadien, la ville de Dawson était au début du XXe siècle le terminus des films en provenance des Etats-Unis, sans espoir de retour à l’envoyeur. Des centaines de films furent ainsi archivés pendant des années, et pour beaucoup détruits, faute de place. Nombre d’entre eux ont toutefois survécu, permettant de découvrir des images d’actualité, mais aussi des fictions jusqu’ici perdues.
Histoire et onirisme
Même abîmés ces films restent d’une qualité de conservation étonnante, vu la négligence avec laquelle ils ont été traités. Leur corrosion est tellement caractéristique que l’origine de leur provenance ne fait aucun doute. C’est d’ailleurs une des beautés de ces images d’époque, l’érosion de la pellicule inscrivant le passage du temps et des effets graphiques plein de poésie qui participent désormais aux films. Le montage du documentaire met par ailleurs en parallèle l’histoire même de Dawson City, avec des extraits de fictions au prime abord sans lien, et curieusement concomitants. Les hauts et les bas de la prospérité locale, les affres de la gentry ou des prospecteurs d’or s’interconnectent entre actualité et imagination. L’histoire des salles de spectacle de la ville, cinémas et autres, tient une large place, en télescopant curieusement celle des sports locaux. Est également évoquée l’histoire de la pionnière française du cinéma Alice Guy, avec l’incendie de son studio de production Solax. Dawson City : le temps suspendu constitue en cela un parfait complément à Be Natural : l'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché de Pamela B. Green, sorti le 22 juin, qui traite de la même époque.
Dommage que le documentaire ne comporte aucun commentaire en voix off, obligeant à lire des phylactères sous-titrés, souvent trop fugaces pour pouvoir les décrypter entièrement. D’une durée de deux heures, le film gagnerait à être un peu écourté, alors que la belle musique lancinante d’Alex Somers, pousse à la somnolence. On ne décroche pas pour autant de ce film singulier, entre réalité historique et onirisme, qui donne envie de s’y replonger pour renouer avec les fantômes du passé.
La fiche
Genre : Documentaire
Réalisateur : Bill Morrison
Pays : Etats-Unis
Durée : 1h21
Sortie : 5 août
Distributeur : Théâtre du Temple
Synopsis : 1978, Canada. À 560 kilomètres au sud du cercle polaire arctique se trouve Dawson City, petite ville. canadienne. En 1978, lors de travaux destinés à construire un centre de loisirs, le conducteur d’une pelleteuse fait surgir de terre des centaines de bobines de films miraculeusement conservées. Combinant films muets, films d'actualités, images d'archives, interviews et photographies historiques, et accompagné par une bande-son envoûtante d’Alex Somers, Dawson City: Le temps suspendu dépeint l'histoire de la ruée vers l’or d’une petite ville canadienne tout en relatant le cycle de vie d'une collection de films singulière à travers son exil, son enterrement, sa redécouverte et son salut.
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