"David Lynch : The Art Life", voyage dans la tête d'un cinéaste-plasticien
Ecole de l’art
David Lynch avait fait l’objet d’une rétrospective de ses œuvres graphiques (peintures, collages, objets…) et photographiques à la Fondation Cartier en 2007 sous le titre "The Air is on Fire". Tout un pan de l’œuvre "lynchienne" jusqu’alors peu connu s’ouvrait à nous, et éclairait sa filmographie à la lumière des racines plastiques du metteur en scène. Les passerelles s’avéraient nombreuses et parlantes. Avec "The Art Life", c’est comme le chemin inverse qui s’effectue, en mettant à plat le cheminement de David Lynch, de sa naissance dans une bourgade américaine, à l’étudiant en Arts-plastiques de Philadelphie. L'école le propulsera à la réalisation de ses premiers courts-métrages, puis à celle de son long métrage révolutionnaire de 1977, "Eraserhead".On ne sera pas étonné d’apprendre que le jeune David Lynch était plutôt introverti et qu’il eût du mal à faire accepter à ses parents d’origines modestes, sa vocation artistique. Photos à l’appui, Lynch commente ses jeunes années idylliques dans une banlieue type, dont on retrouvera l’évocation bien plus tard dans "Blue Velvet" (1986), pour mieux la pervertir... Ouverts d’esprit, à l’époque d’une contre-culture florissante, ses parents lui lâchent la bride, lui permettant d’effectuer des séjours à répétition à New York, puis à rejoindre l’équivalent de nos "Beaux-Arts" à Philadelphie, non sans quelque inquiétudes quant à la vie de bohême à laquelle adhère le jeune homme.
De la plastique au cinéma
La grande ville aura une influence indélébile sur l’artiste en herbe, dans ses rues sombres, ses ambiances industrielles et le contact avec des étudiants, comme lui plasticiens, en quête d’avant-garde, tournés vers des racines européennes, nettement dadaïstes, puis vers le cinéma expérimental. Découvrir les premiers essais cinématographiques de Lynch n’est pas le moindre intérêts de "The Art Life". Parallèlement à ce voyage des origines artistiques aux premiers films d’un cinéaste majeur, le documentaire le visualise, aujourd’hui, dans son atelier. Toujours absorbé dans ses recherches plastiques, peignant, détournant des objets, collant, grattant ses toiles, malaxant des matières, parfois au côté de sa petite fille qui s’affaire à dessiner.
La dominante de ces images recoupe l’harmonie colorée des toiles de David Lynch, créant une continuité entre l’intime et la projection plastique, au diapason de ce que l’artiste proclame être sa vocation, "The Art Life". Où l’Art est en symbiose avec la vie, comme le film l’est avec son sujet. Ce qui se vérifiera plus tard dans ses longs métrages, et "Eraserhead" au premier chef, qui s’avère comme le manifeste filmique du cinéaste, toujours pertinent au regard de la cohérence de son œuvre. Le documentaire se clôt sur cet aboutissement en forme d’ouverture. A ce titre, les distributeurs seraient bien inspirés de redonner accès à ce film unique, dont le seul équivalent pourrait être "Un Chien Andalou" (1929) de Luis Bunuel, dans sa force plastique et provocatrice. Des constances du cinéma de David Lynch.
LA FICHE
Documentaire de Jon Nguyen, Rick Barnes (XVII) et Olivia Neergaard-Holm (Etats-Unis) - Avec : david Lynch – Durée: 1h30 – Sortie : 15 février 2017
Synopsis : Le portrait inédit de l’un des cinéastes les plus énigmatiques de sa génération : David Lynch. De son enfance idyllique dans une petite ville d’Amérique aux rues sombres de Philadelphie, David Lynch nous entraîne dans un voyage intime rythmé par le récit hypnotique qu’il fait de ses jeunes années. En associant les œuvres plastiques et musicales de David Lynch à ses expériences marquantes, le film lève le voile sur les zones inexplorées d’un univers de création totale.
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