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"Corps et âme", beau film d'amour onirique Ours d'or à Berlin

Cinéaste hongroise rare (trois films en 28 ans), Ildiko Enyedi évoque des sentiments teintés d’une couleur quasi-paranormale ("Mon XXe siècle", "Simon le mage"). Avec "Corps et âme", elle soumet la mystérieuse notion de synchronicité introduite par le psychanalyste Carl Junger Jung. Elle y fait se croiser un homme et une femme dans un même rêve récurrent qui va les guider vers l’amour.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Corps et âmes" d'Ildiko Enyedi
 (Le Pacte)

Synchronicité

La notion de synchronicité développée par Carl Junger Jung, premier élève spirituel de Freud, dérive de celles d’inconscient collectif et d’archétype qui seront à l’origine du schisme entre les deux hommes. Elle repose sur le rapprochement entre deux événements apparemment sans rapport, mais qui prend sens à un instant T pour la personne qui les perçoit. Une coïncidence significative. Dans "Corps et âme" la synchronicité prend la forme d’un même rêve que font chaque nuit un homme et une femme qui ne se connaissent pas et qui va les mener à se révéler l’un à l’autre.
Dans leur rêve commun, ces deux solitudes se croisent sous l’incarnation d’un cerf et d’une biche dans une forêt hivernale. Ils s’attirent mutuellement, de plus en plus proches, s’éloignent et se retrouvent. Dans la vie réelle, Endre est directeur financier d’un abattoir et Maria une nouvelle contrôleuse qualité intérimaire. Le hasard d’une visite annuelle avec la psychologue du travail, va révéler leur vie nocturne commune et les convaincre qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Le cheminement vers une telle résolution ne se fera pas sans mal.
Morcsányi Géza et Alexandra Borbély dans "Corps et âme" d'Ildiko Enyedi 
 (Le Pacte)

Anima

Le milieu professionnel où évoluent Endre et Maria n’est pas anodin. Lieu de mort, où sont tués les animaux domestiques voués à la consommation, ils se métamorphosent en bêtes sauvages dans un paysage immaculé de neige qui s’oppose à l’environnement rouge sang de l’abattoir. Endre sort d’une séparation douloureuse, Maria est une femme enfant réfractaire au contact physique. Le rêve va les mettre sur la voie d’une libération mutuelle de leur complexe, progressive, tatillonne, mais inéluctable. Comme si une instance supérieure y travaillait. Ildiko Enyedi ne creuse pas la théorie psychanalytique, préférant privilégier le mystère, une magie du monde.
Alexandra Borbély dans "Corps et âme" d'Ildiko Enyedi
 (Alamode Film)
"Corps et âme" y gagne en poésie, porté par les splendides images de la forêt hivernale et la noblesse de ce cerf et sa biche, amoureux. Ils personnalisent l’"anima", l’instinct. Le contraste avec l’abattoir participe de la dichotomie entre un monde de bruts et les aspirations de Endre et Maria. Les intrigues internes à l’entreprise ne sont pas négligées (les rencontres au self, l’importance de la religion à l’intégration, les doutes de la psychologue…) : elles participent des contraintes. Ildiko Enyedi n’idéalise rien, elle est même crue dans les scènes d’abattoir (d’où l’avertissement aux distributeurs) et le cheminement est parsemé d’embuches. L’on tombe sous le charme de ces deux êtres en mal d’amour, dans un film sensible et touchant aux acteurs vibrants.
"Corps et âme" : l'affiche
 (Le Pacte)

LA FICHE

Genre : Drame 
Réalisateur : Ildiko Enyedi
Pays : Hongrie
Acteurs :   Alexandra Borbély, Morcsányi Géza, Réka Tenki, Zoltan Schneider, Ervin nagy, Pal Macsai
Durée : 1h56
Sortie : 25 octobre 2017
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : Mária, nouvelle responsable du contrôle de qualité dans un abattoir et Endre, directeur financier de l'entreprise, vivent chaque nuit un rêve partagé, sous la forme d'un cerf et d'une biche qui lient connaissance dans un paysage enneigé. Lorsqu'ils découvrent ce fait extraordinaire, ils tentent de trouver dans la vie réelle le même amour que celui qui les unit la nuit sous une autre apparence...

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