"Corporate" : l'arroseuse arrosée dans un thriller sur le harcèlement moral
Cas d’école
Les rapports qu’entretiennent l’individu et la société avec le monde du travail sont présents dans nombre de films depuis toujours ("Métropolis", "Les Temps modernes"…). Pour beaucoup axés sur les professions ouvrières, en voie de disparition, l’hégémonie du secteur tertiaire implique de nouveaux sujets adaptés à la conjoncture nouvelle. Depuis environ une décennie les notions de "stress au travail", de "burn out", de "suicide sur le lieu professionnel" ont émergé et font la Une régulière. "Corporate" met les pieds dans le plat, en traitant un cas d’école fictif, bien documenté et convaincant.Nicolas Sihol abordait déjà le monde du travail dans son premier court-métrage, mais sur un mode ludique (un jeu de rôle pratiqué dans une entreprise de pompes-funèbres). Le sujet interpelle le cinéaste, dont le père est consultant en ressources-humaines. Ce secteur clé de l’entreprise est le cadre fermé de "Corporate", où l’une de ses cadres est tenue pour responsable du suicide d’un employé pour harcèlement moral. Pour tenir la route, Nicolas Silhol, également auteur du scénario, a réuni un casting des plus convaincants. Avec Céline Sallette, dont les yeux perçants et les lèvres serrées traduisent la femme revêche qu’elle doit être dans sa profession. Lambert Wilson, incarne toute la froideur et le charisme d’un chef d’entreprise ; Violaine Fumeau apporte un peu de rondeur humaine à l'inspectrice du travail, tout comme Stéphane De Groodt qui prend la casquette de responsable de la communication.
Reportage P. Deschamps / B. Bonte / O. Lecointe / M.Sadek
Killeuse
Céline Sallette traduit parfaitement les différents sentiments par lesquels elle passe dans l’épreuve qu’elle traverse. D’abord souriante, avenante, dans la première scène du séminaire professionnel, puis fermée, froide, dans l’exercice de sa profession, ensuite stressée dans la tourmente qui la met sur la sellette, pour enfin revenir avec un visage plus épanoui, sa décision prise de se libérer du carcan dans lequel elle s’est enfermé. Impliquée dans le cadre d’un plan social officieux pour pousser vers la porte de sortie des employés dont elle a la charge, elle devient elle-même la femme à abattre. De "killeuse", elle devient victime du propre système qu’elle servait.La réussite de "Corporate" ne repose pas seulement sur une écriture judicieuse et un bon casting, mais aussi sur une mise en scène discrète qui participe de la description du monde professionnel. La froideur du décor de l’entreprise se retrouve dans l’appartement d’Amélie (Céline Sallette), dans les codes de couleur blanc et gris et son ameublement design, les baies vitrées, signes de son identification totale à son travail. Seule une commode plus antique, plus chaude, apparait, comme une trace d’humanité qui peut encore faire surface dans son comportement. Abordant un sujet grave de la société actuelle, Nicolas Silhol le traite avec acuité et la dramaturgie nécessaire pour le partager, sans jamais relâcher l’intérêt du spectateur.
LA FICHE
Drame de Nicolas Silhol (France) - Avec : Céline Sallette, Lambert Wilson, Violaine Fumeau, Stéphane De Groodt, Alice de Lencquesaing : 1h35 - Sortie : 5 avril 2017
Synopsis : Emilie Tesson-Hansen est une jeune et brillante responsable des Ressources Humaines, une "killeuse". Suite à un drame dans son entreprise, une enquête est ouverte. Elle se retrouve en première ligne. Elle doit faire face à la pression de l’inspectrice du travail, mais aussi à sa hiérarchie qui menace de se retourner contre elle. Emilie est bien décidée à sauver sa peau. Jusqu’où restera-t-elle corporate ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.