Cannes 2016 : "Julieta", Almodóvar au sommet de son art
Nous avions quitté Almodóvar en pilote de comédie aérienne ("Les amants passagers" en 2013) bien troussée mais sans prétention. Nous le trouverons au sol, plus grave et plus profond avec "Julieta". Les couleurs éclatantes, la lumière, les phrases musicales, toute la sophistication du réalisateur espagnol est au rendez-vous mais, cette fois, au service d'une histoire puissante et bouleversante.
Julieta a profondément enfoui son secret, le drame de sa vie, et s'en est reconstruit une autre. Nous la rencontrons au moment où elle semble apaisée, prête à quitter Madrid. Une rencontre fortuite va brutalement réveiller les souvenirs et l'insupportable douleur. Julieta ouvre son cahier et va nous raconter comment elle a perdu sa fille.
L'histoire démarre joliment. Coup de foudre et coups de soleil, la vie est belle. Julieta est une enseignante jeune est magnifique, elle succombe au charme de Xoan. Un enfant va naître, Antía. Une petite fille délicieuse. Les années passent et l'horizon s'obscurcit. Antia tient sa mère pour responsable du drame qui va les accabler. Elle disparaît. Des années durant, Julieta cherche la trace de sa fille, en vain. Jusqu'au jour où…
Adriana Ugarte et Emma Suarez se partagent le rôle de Julieta (le passage de témoin entre les deux comédiennes, au sortir d'un bain, est d'ailleurs un modèle d'élégance). Légère, insouciante et gracieuse, elle se transforme et se durcit au fur et à mesure que la douleur et la culpabilité l'étreignent. Almodóvar explore ce terrain avec tact et pertinence. En perdant son enfant, Julieta a tout perdu. La vie ne sera plus jamais la même, mais il faut bien continuer, tenir, en construisant des digues contre les vagues de souvenirs et d'obsessions.
Avec son style si caractéristique, Almodóvar fait cohabiter la légèreté, l'esthétisme et la violence absolue de l'absence, la cruauté des sentiments. Plus que jamais, ces ingrédients se marient avec magie, offrant à "Julieta" une place de choix dans l'œuvre du grand réalisateur espagnol.
LA FICHE
Drame espagnol de Pedro Almodóvar – avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Dario Grandinetti et Rossy de Palma – durée : 1h39 – sortie : 18 mai 2016
Synopsis : Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours. Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.
Reportage H. Nicolas / F. Tisseaux / JC. Routhier / E. Malet
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