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Cannes 2015 : "Notre petite soeur" : cuisine de famille entre femmes
Pour la troisième fois en compétition à Cannes, Kore-Heda Hirokazzu revient sur son sujet de prédilection : la famille japonaise, avec ses codes, ses rites, ses engeances… On se souvient de son formidable "Nobody Knows" (Prix d'interprétation masculine à Cannes en 2004), puis de son Prix du jury en 2013 pour "Tel père, tel fils". Il revient à la famille avec "Notre petite sœur".
Publié
Temps de lecture : 3min
La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
Sous texte
Adapté d'un roman graphique de Akimi Yoshida, "Notre petite sœur" met en perspective des sujets typiquement japonais : le deuil, la responsabilité assimilée à l'honneur, et l'intériorisation des conflits avec leur résolution dans leur expression directe, mais pudique. Sous une forme extrêmement joyeuse, "Notre petite sœur" recèle des non-dits qui en disent long. C'est sans doute ce qui a intéressé Kore-Heda dans le roman graphique de Akimi Yoshida, toujours attentif aux ressorts d'une société japonaise tout en apparence par le protocole, mais comme pervertie en sous-texte.La scène de deuil inaugurale va provoquer l'arrivée de Suzu au sein de la maison familiale ou habitent trois sœurs adultes, qui vont l'adopter comme leur demi-sœur et sœur à part entière. Un moment, un mouvement de joie partagé. Suzu, 15 ans à peine, va révéler les conflits entre ses trois aînées, mais aussi les résoudre. Le conflit va surtout se concentrer entre elle et la "patriarche", qui joue le rôle de "responsable du dortoir des filles" que constitue la maison familiale. Ici, il n'y a que des femmes, les hommes sont absents, ou presque. Sachi a bien une relation suivie avec un collègue marié, mais elle n'aboutit pas ; Yoshino, la plus délurée, égraine les amants et boit ; et Chika, est totalement ailleurs…
Cuisine
Suzu observe. Elle non-plus n'a pas de "petit copain" à l'école, alors que tout la prédispose. L'objet est ailleurs. Dans la résolution d'un conflit familial ancien et latent qui peine à se résoudre. Il s'effectuera par la cuisine, moment de partage, d'échange et de convivialité où les quatre sœurs se retrouvent. Non seulement chez elles, mais aussi dans le restaurant de leurs habitudes. Car quand on ne mange pas dans "Notre petite sœur", on parle cuisine, quand on ne parle pas cuisine, on cuisine, quand on ne cuisine pas, on fait les courses, ou l'on va à la pêche aux alvins, sinon l'on boit la liqueur de mirabelle issue des récoltes du jardin … Ces moments privilégiés vont créer une situation dont Suzu est le centre. Elle va condenser les conflits et les résoudre. Alors qu'ils sont apparemment mineurs, on les sent profondément ancrés. C'est elle qui va ouvrir les portes et permettre au film de se clore sur un horizon marin plein d'espoir. Un beau film, axé sur la régénérescence et le passage de témoins, qui n'est pas sans rappeler Tchekhov, vues la famille, les souvenirs, les défunts, et l'ancrage dans une maison familiale pleine de remembrance et de rites. Un joli film, très tendre et touchant, mais, comme beaucoup, un peu long.
Notre petite soeur
De Kore-Heda Hirokazzu (Japon), avec :Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho - 2h03 -sortie : 28 octobre 2015
Synopsis : Trois sœurs, Sachi, Yoshino et Chika, vivent ensemble à Kamakura. Par devoir, elles se rendent à l’enterrement de leur père, qui les avait abandonnées une quinzaine d’années auparavant. Elles font alors la connaissance de leur demi-sœur, Suzu, âgée de 14 ans. D’un commun accord, les jeunes femmes décident d’accueillir l’orpheline dans la grande maison familiale…
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