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Cannes 2014 : Les Dardenne droits dans leurs bottes, avec "Deux jours, une nuit"
Les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne reviennent sur la Croisette avec "Deux jours, une nuit", après leur deux Palmes d'or pour "Rosetta" (1999) et "L'Enfant" (2005), puis leur Grand prix pour "Le Gamin à vélo" (2011). Le film sort le 21 mai, en plein Festival, et voit Marion Cotillard dans le rôle principal au côté de Fabrizio Rongione et d'Olivier Gourmet, des habitués du duo belge. Un prix ?
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La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
Réalisé par Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne (Belgique/France), avec : Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne - 1h35 - Sortie : 21 mai 2014
Synopsis : Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail. Très applaudi
Au regard du sujet sur le papier, "Deux jours, une nuit", très ancré dans la conjoncture économique et financière actuelle, Jean-Pierre et Luc Dardenne sont dans leur univers filmique, à dominante sociale, sociétale, rehaussée d'émotion communicative. C'est pourquoi, l'on n'est guère surpris du résultat. Réussi, prenant, émotionnel, en majeur partie grâce à la très belle composition de Marion Cotillard dans son interprétation de jeune femme sur le point d'être licenciée, allant à la rencontre de ses collègues pour les convaincre de voter en sa faveur, au détriment de la prime qu'on leur a promise.
Le film a été très applaudi à la première de presse de mardi matin, voire pendant la projection, ce qui est rare. Les Dardenne ont un public acquis et ils le mérite grandement. Ils sont par ailleurs pratiquement les seuls sur leur créneau. Très bien écrit, le script met parfaitement en situation l'échéance que doit confronter Sandra (Marion Cotillard), sortie de dépression et qui se voit licenciée en raison de cette fragilité. Comme si elle subissait une double peine. Une triple peine même, puisqu'elle décide d'essayer de convaincre ses collègues, les uns après les autres, de voter en sa faveur, dans un exercice d'humiliation allant parfois jusqu'à la violence physique. Suspense social
Marion Cotillard est impressionnante dans son identification au rôle, de tous les plans, en traversant une palette d'émotions allant de la joie, quand elle reçoit un soutien, aux pensées suicidaires, quand elle perd confiance. Ce qui la place en première ligne pour un Prix d'interprétation. Son compagnon, Fabrizio Rongione, fait le job en la soutenant, les seconds rôles étant tenus par des non professionnels, tous très justes. Le scénario consistant à faire rencontrer Sandra avec ses collègues pour leur poser la même question, avec souvent les mêmes réponses, pouvait prêter à la répétition. Les frères Dardenne évite l'écueil. Chaque rencontre est différente, avec des réactions diverses et une attente, un suspense, à chaque fois renouvelé qui tient jusqu'au bout du film.
Les deux cinéastes ont indéniablement un sens du récit en symbiose avec leur mise en scène. Simple, remarquablement cadrée sans effets de manche, allant droit au but, en captant à chaque fois le sirop de la rue et les sentiments humains. Humanistes est sans doute le qualificatif qui leur convient le mieux. Mais cette musique, qui se suffit à elle-même, puisque le film ne comprend aucune partition, tourne si bien depuis longtemps que l'on s'y attend. Les sujets sont différents, mais d'une tonalité et d'une forme semblables. C'est que Jean-Pierre et Luc Dardenne privilégient le fond, tout en étant respectueux de la forme. L'ensemble s'harmonise toujours parfaitement, avec une direction d'acteurs ad hoc. Récit sur les aléas de la solidarité entre petites gens, par le passé valeur prolétarienne fondamentale, "Deux jours, une nuit" stigmatise les temps nouveaux, où l'individualisme prime sur le partage. Sans pour autant tomber dans le pessimisme. La morale du film stigmatise l'effort sur soi nécessaire pour ne pas sombrer dans le désespoir, afin de s'en sortir. Ce en quoi, li n'est en rien pessimiste, c'est tout l'inverse. Il constate à l'instar de Dylan, mais dans un sens inverse, que "The Times, there are a changin'".
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