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Cannes 2014 : Godard dit "Adieu au langage" en toute beauté
Jean-Luc Godard revient dans la compétition, après être apparu six fois par le passé dans la sélection officielle, avec "Adieu au langage", sur un scénario original de sa plume, tourné en 3D, et interprété par de jeunes acteurs peu connus. A 83 ans, le cinéaste n'a rien perdu de sa verve. Cinéma, cinémas.
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La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
Réalisé par Jean-Luc Godard (Suisse), avec : Héloïse Godet, Zoé Bruneau, Kamel Abdelli - 1h10 - Sortie : 28 mai 2014
Synopsis : "Le propos est simple. Une femme mariée et un homme libre se rencontren. Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent. Un chien erre entre ville et campagne. Les saisons passent. L'homme et la femme se retrouvent. Le chien se trouve entre eux. L'autre est dans l'un. L'un est dans l'autre. Et ce sont les trois personnes. L'ancien mari fait tout exploser. Un deuxième film commence. Le même que le premier. Et pourtant pas. De l'espèce humaine on passe à la métaphore. Ca finira par des aboiements. Et des cris de bébé." Lumière
C'est le deuxième film en 3D de Jean-Luc Godard, après sa contribution au film collectif 3X3D pour lequel il a réalisé un segment aux côtés de Peter Greenaway et d'Edgar Pêra. Le cinéaste est également à l'affiche cette année avec un autre film collectif projeté à Cannes dans le cadre des Séances spéciales, "Les Ponts de Sarajevo", qui réunit treize courts-métrages filmés par treize réalisateurs.
"L'important n'est pas de comprendre mais que cela soit beau". Cette maxime godardienne est tout à fait appropriée à "Adieu au langage", son dernier opus. L'écriture n'est prétexte qu'à l'image, suggestive de pensées qui s'égrainent par 24 unités à la seconde. La vie, les sentiments, l'amour, la haine, la violence, l'humanité et l'animalité se conjuguent en tout individu. L'art en permet la canalisation, la projection de ces forces intérieures, comme la lumière d'une lanterne magique expose le monde insoupçonné contenu dans un verre coloré. Peinture et cinéma
Jean-Luc Godard est sans doute le cinéaste qui incarne le plus le rapport entre la peinture et le cinéma. Si le surréalisme est né de "la rencontre fortuite sur une table de dissection entre une machine à coudre et un parapluie ", selon Lautréamont, le cinéma émane de celle de la peinture avec le roman, et non de la photographie avec le théâtre. Godard ne cesse de se référer à l'art pictural dans ses films, jusqu'à ce dernier. Féru de citations, et de formules paradoxales, il rappelle Monet : "Ne pas peindre ce qu'on voit, puisqu'on ne voit rien, mais peindre qu'on ne voit pas".
Il n'est évidemment pas le seul cinéaste à se référer à des pientres, et les citations plastiques sont légions dans les films. Mais Godard en est certainement le plus conscient et revendicateur, avec Peter Greenaway et David Lynch, eux-mêmes peintres cinéastes. "Adieu au langage" joue énormément de la plasticité et s'apparente à une toile lumineuse. Dans ses virages de couleurs, non pas impressionnistes ou expressionnistes, mais numériques, "numéristes", serait-on tenté d'écrire. L'usage de la 3D pourrait sembler contradictoire au plan de la toile. Elle n'est qu'un jeu avec lequel Godard s'amuse, et en en jouant très bien, avec des croisements de plans aux résultats inédits et ludiques.
La technologie n'est là que pour servir et non asservir. Elle est gage d'invention, d'évolution, dans laquelle s'incarne la vie. Une vie que l'on retrouve à la fin du film dans le crie d'un bébé naissant. L'essentiel étant que tout individu tende vers la beauté.
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