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"American Sniper" : la guerre en Irak vue par un grand Eastwood

Clint Eastwood enchaîne film sur film avec un ou deux longs métrages par an (sauf entre 2011 et 2014), passant d'un registre à l'autre, du biopic politique ("J. Edgar") à un biopic musical ("Jersey Boys"), au film de guerre, avec cet "American Sniper", avant de passer au remake de la comédie musicale "A Star Is Born", attendu cette année.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Bradley Cooper dans "American Sniper" de Clint Eastwood
 (Warner Bros)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Clint Eastwood (Etats-Unis), avec : Bradley Cooper, Sienna Miller, Luke Grimes - 2h10 - Sortie : 18 février 2015
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : Tireur d'élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d'innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de "La Légende". Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu'il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l'angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s'imposant ainsi comme l'incarnation vivante de la devise des SEAL : "Pas de quartier !" Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu'il ne parvient pas à retrouver une vie normale.

American Heros ?

Clint Eastwood avait déjà filmé la guerre avec son diptyque sur le conflit coréen, "Souvenir de nos pères" et "Lettres d''Iwo Jima", et dans une moindre mesure "Le Maître de guerre", sur l'entraînement de Marines sur le point d'intervenir dans les Caraïbes. Avec "American Sniper" Eastwood s'attaque au conflit irakien de l'après 11 septembre, d'après la véritable histoire de Chris  Kyle (Bradley Cooper, également coproducteur), le "meilleur" sniper (tireur d'élite) américain en Irak, avec 160 victimes au compteur, partagé entre son patriotisme engagé au Moyen-Orient et sa vie de famille au pays.

Eastwood passe constamment des Etats-Unis à l'Irak sur quelque 1 000 jours répartis en quatre missions. La construction rappelle "Démineurs" (2008) de Kathryn Bigelow, d'autant que les deux protagonistes ont des spécialités militaires atypiques comparées au combattant lambda. Si tous deux sont impliqués jusqu'à l'os dans leurs missions, leurs motivations sont divergentes. William James (Jeremy Reinner) dans "Démineurs" est accro à l'adrénaline et ne peut s'empêcher de retourner au front pour retrouver ce qui est devenue une drogue. Alors que Chris Kyle est profondément motivé par son engagement pour protéger et sauver les marines au combat. Cela fait-il pour autant de ce dernier un héros ? Pas sûr, son engagement relevant plus du conditionnement que de l'héroïsme pur. L'opposition entre Chris et le sniper syrien sur le terrain des opérations n'est pas non-plus sans rappeler celle trouvée dans "Stalingrad", le film de Jean-Jacques Annaud, où se confrontaient deux personnages semblables, comme dans une sorte de compétition. 

Sienna Miller dans "American Sniper"  de Clint Eastwood
 (Warner Bros.)

Polémique

La sortie d'"American Sniper" a été suivie aux Etats-Unis d'une vive polémique, notamment entretenue par Michael Moore (" Bowling for Columbine", "Fahrenheit 9/11"…) qui a provoqué Eastwood sur le patriotisme exacerbé de son film et le discours sur les armes, sujet sensible aux Etats-Unis. C'est vraiment passer à côté des fondements du film, où le réalisateur de "Impitoyable" prend soin d'introduire son film par la formation de son personnage, en l'ancrant dans une culture texane, marquée par un père autoritaire et qui enseigne les armes très jeunes à son fils aîné, qui deviendra une fois adulte un tireur d'élite émérite, engagé dans une guerre aux motivations ambiguës, qui va lui pourrir la vie. Le film peut toutefois être interprété de façon trop complaisante envers les Etats-Unis, si l'on n'y prend garde. Ce qui pourrait entraîner, vu le contexte actuel, des représailles à son égard, et les spectateurs.
Sur un rythme extrêmement soutenu, où Eastwood n'épargne rien des combats, avec un son assourdissant, dans une mise en images des plus réalistes, tant pour les combats, que les tensions continues, le cinéaste fait avant tout le portrait d'un homme, mais aussi d'un couple, d'une femme atteinte par une destinée qu'elle s'était refusée de voir venir. La dernière scène du film est de ce point de vue remarquable et très anxiogène. Quand Chris, quelque peu libéré de ses démons, menace pour "rire" sa femme d'un vieux révolver de cow-boy dans sa cuisine, pour faire l'amour avec elle, alors que les enfants sont dans la pièce à côté. Il libère la gâchette : l'arme est-elle chargée ou non, est-ce un jouet ? L'imminence d'un drame est dans l'air. On vous laisse découvrir la résolution. Terrible. 

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