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Cinéma : avec "Silence", Martin Scorsese interroge la foi

Il a attendu près de trente ans avant de faire ce film. Une fresque épique et spirituelle sur la foi, dans le Japon du XVIIe siècle : passionnant.

Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Silence" de Martin Scorcese, une fresque épique et spirituelle sur la foi, dans le Japon du XVIIe siècle. (Metropolitan FilmExport (capture d'écran bande-annonce))

Silence est le film d'un homme de 74 ans qui, jeune, a failli être prêtre et qui a fait scandale avec La Dernière Tentation du Christ, en 1988. Aujourd'hui, Marin Scorsese est apaisé, il se dit catholique non pratiquant et questionne la notion même de foi. Son arme : le doute. Qui a raison ? Ces deux jeunes prêtres jésuites qui partent au Japon à la recherche de leur maître disparu et partagent le martyre des japonais convertis au christianisme ? Ou les dirigeants locaux qui les torturent pour qu'ils renoncent à leur religion, figure de proue du colonialisme ? Martin Scorsese le chrétien veut comprendre l'autre point de vue.

Le silence, c'est celui de Dieu

Le père Ferreira, que joue Andrew Garfield, voit ses frères soumis à la torture. S’il renonce à Dieu, ils seront graciés. Il en appelle à Dieu, mais il n'a que le silence en retour. Dans ce long film de 2h40, ce martyre est étiré, mais la dernière partie est captivante : les échanges entre le prêtre incarné par Andrew Garfield et ses geôliers japonais portent le débat sur la foi à un sommet du cinéma.

Martin Scorsese, chrétien non-pratiquant

Depuis son enfance pieuse, le chemin de Martin Scorsese a été long et sinueux : il y a eu la période des excès, le doute, mais aujourd'hui, c'est un homme qui considère avoir sa façon très personnelle d'être croyant : "J'ai l'impression de l'être en faisant des films, explique-t-il. Les rituels sont très importants. Faire un film est un rituel : c'est très intéressant, vous apprenez la patience. Si vous ne participez pas à un rituel, si vous ne voulez pas être lié à des points de vue politiques, vous devez agir depuis cette idée basique de concept moral fondamental. Vous devez travailler là-dessus, le vivre au quotidien."

Martin Scorsese : "Je pense qu'il faut revenir à l'idée basique de la religion : compassion et altruisme"

Selon Scorsese, c’est dans la vie de tous les jours que se trouvent les fondamentaux de la religion, la compassion, l’altruisme, le souci de l’autre : "Je pense qu'il faut revenir à l'idée basique de la religion : compassion et altruisme. C'est difficile quand on a faim et qu'on prend votre terre, mais je crois vraiment que la plus grande révolution serait de se soucier des autres. Ça sonne comme une utopie... ou une mauvaise chanson des années soixante ! On joue de la guitare et allez ! On a besoin d'un réajustement complet, d'un vrai engagement dans les concepts de base de la religion."

Près de 30 ans pour faire "Silence", c’est long

Quand Martin Scorsese découvre ce récit, Silence, en 1989, c'est le livre d'un jésuite japonais, il ne sait pas comment l'aborder. Et c'est vrai que le casting auquel il pensait est forcément différent de celui d'aujourd'hui. Andrew Garfield, qui a perdu énormément de poids pour jouer le rôle, est dans la performance, peut-être trop. Mais voir Liam Neeson, qui incarne le père Ferreira, celui que les deux jeunes prêtres cherchent, dans un registre très éloigné de ses habituels blockbusters hollywoodiens est réjouissant. Et les acteurs japonais sont excellents : Yoshi Oida et Tadanobu Sato, vu récemment dans Harmonium. Oui, le film est long, lent dans sa première partie. Il est d'une facture classique très belle. Et; surtout, filmer comme le fait Scorsese ce débat philosophique, spirituel, sur la foi, l'engagement, le situer dans son contexte politique de choc des cultures, est fascinant, jubilatoire. Et très rare sur grand écran.

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