"Renoir" : d'Auguste à Jean, du peintre au cinéaste
De Gilles Bourdos (France), avec : Michel Bouquet, Christa Theret, Vincent Rottiers - 1h51 - Sortie : 2 janvier 2013
Synopsis : 1915. Sur la Côte d’Azur. Au crépuscule de sa vie, Auguste Renoir fait appel à celle qui sera son modèle. Cette jeune fille, Andrée, apparue dans sa vie comme un miracle, va insuffler au vieil homme une énergie qu’il n’attendait plus. Lorsque son fils Jean, revenu blessé de la guerre, vient passer sa convalescence dans la maison familiale, il découvre à son tour, fasciné, celle qui est devenue l’idole de son père. Dans cet éden méditerranéen, Jean, malgré l’opposition ronchonne du vieux peintre, va aimer celle qui, animée par une volonté désordonnée, insaisissable, fera de lui, jeune officier velléitaire et bancal, un apprenti cinéaste…
Le patron
Gilles Bourdos aurait choisir « Andrée » pour titre, tant il a fait de ce personnage peu connu, la pierre d’angle d’un beau scénario au service d’un film magnifique, aux lectures multiples. Au lieu d’une biographie, dans les règles de l’art, il traite d’une femme laissée pour compte, dont on ne sait presque rien, pourtant essentielle dans la fin de vie du peintre et les débuts de celui qui allait devenir un des réalisateurs phares du cinéma français. Une énigme dont le cinéaste comble les vides par la fiction, avec tact et vraisemblance, au terme de ce qui semble avoir été une enquête approfondie.
Entièrement situé dans la propriété provençale et familiale des Collettes, reconstituée dans le Var (le domaine étant aujourd’hui consacré à un musée dédié au peintre), « Renoir » est presque un huis-clos, entre trois personnages entourés d’un aréopage de domestiques, toutes des femmes, toutes dévouées à satisfaire « le patron », tel qu’elles nomment Renoir, son fils, Jean, faisant de même. Il ressort de ce cadre, la transmission de liens ténus entre les protagonistes de ce petit monde, tous désireux de satisfaire le maître des lieux, baignés d’atmosphères solaires et pastorales et évocatrices d’un Eden mythologique en phase de disparaître. Indépendante, belle et piquante, Andrée va bousculer l’ordre établi, comme annonciatrice de la fin d’un temps pour un autre. Elle n’en n’est que plus vitale aux yeux du peintre.
Muse
Gilles Bourdos ne voyait personne d’autre que Michel Bouquet pour incarner le peintre à l’écran. Grand bien soit-il ! Il est parfait dans cette évocation de l’homme bougon, mais tendre, entièrement voué à son art de la couleur qui l'a identifié comme « peintre du bonheur ». Cette évocation passe pour beaucoup par la femme, sujet dominant de son oeuvre, et dont il fut éperdument amoureux. De son épouse comme de ses modèles, voire de ses domestiques qui passaient allègrement de l’une à l’autre… Inquiet de l’émergence de temps nouveaux, avec la Première Guerre mondiale, Renoir projette son inquiétude sur l’avenir de ses enfants, en l’occurrence Jean, sans vocation aucune, réfugié dans une carrière militaire de circonstance. Andrée va changer tout cela.
Tout comme Bouquet est Renoir, Christa Theret est au diapason du personnage d’Andrée. Son physique est en phase avec les canons de l’époque, et son aisance devant la caméra renvoie à la désinvolture et l’assurance du personnage, à la langue bien pendue. Elle deviendra un enjeu entre le vieux peintre et le jeune officier qu’est encore Jean, et même Coco (Claude), le cadet des trois fils Renoir. A l’image du film, Andrée est solaire, source de vie, une muse faite chair. Troublante, audacieuse et en avance sur son temps, elle se révèle le vecteur d’une filiation entre peinture et cinéma. De muse pour le peintre, elle va devenir celle du futur cinéaste. « Renoir » s’avère de fait une magnifique métaphore du rapport entre peinture et cinéma, du passage de l’une à l’autre, comme se transmettraient les gènes d’un père à son fils. Avec la femme inspiratrice au cœur.
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