Pour ou contre "Möbius", avec Jean Dujardin ?
Oscarisé il y a quelques mois, Dujardin revient jouer les espions. Crédible après "OSS 117" ?
Notre Jean Dujardin national est de retour dans le rôle d’un espion, mais cette fois, c'est du sérieux. Dans le nouveau film d’Eric Rochant, Möbius, en salles mercredi 27 février, vous ne le verrez pas s’embrouiller avec un muezzin sous prétexte qu’il chante en pleine nuit. Non, il incarne un agent russe du FSB (le successeur du KGB) qui cherche à manipuler une surdouée de la finance (Cécile de France) pour surveiller les agissements d’un oligarque russe (Tim Roth). Evidemment, il va tomber éperdument amoureux de la jeune femme. Et s’engager dans une passion aussi impossible que dangereuse. Dujardin fait-il oublier son rôle de bouffon dans OSS 117 ou est-ce mission impossible ?
Contre : inutilement compliqué
Möbius est le second film d’espionnage du réalisateur qui avait signé Les Patriotes, en 1994, dans lequel on suivait les pérégrinations d’un agent du Mossad. Mais ce thriller teinté de romance lorgne plutôt du côté des Enchaînés, le film d’Hitchcock dont vous pourrez lire une critique éclairante chez Dvdclassik.com.
Ici aussi, l’intrigue policière (comment coincer le méchant oligarque russe) est moins importante que l’histoire d’amour impossible et les manœuvres des personnages pour arriver à leurs fins. Et niveau manœuvres, on est servi. Sans griller les couvertures de chacun, sachez qu’il est question d’agents instrumentalisés par d’autres espions qu’ils croient eux-mêmes manipuler, alors qu’en fait c’est le contraire. Vous suivez ? Les stratèges russes jouent forcément aux échecs à un moment donné du film (tous les Russes rusés jouent aux échecs, c’est aussi le cas dans le dernier Die Hard). Là, on a envie d’arrêter la partie et de demander des explications. Un peu comme quand Cécile de France, en nerd des marchés à court terme, commence à jargonner en anglais.
En plus, les services secrets américains sont aussi dans le coup. Les allers-retours entre Moscou, Monaco et le siège de la CIA outre-Atlantique donnent le tournis. Et font prétexte… comme le casting. Pourquoi demander à Tim Roth de jouer un oligarque russe ? La ressemblance avec l'homme d'affaires Roman Abramovitch ne fait pas tout. Et pourquoi choisir Emilie Dequenne pour incarner une agente du FSB ? En outre, les deux personnages venus du froid s’expriment plus souvent en anglais et en français que dans la langue de Tolstoï, ce qui fait un peu désordre.
Pour : une sensualité à fleur de peau
Mais l’essentiel n’est pas là. Rapidement, le film parvient à nous embarquer grâce à la relation plus érotique que romantique entre Jean Dujardin et Cécile de France. Les deux acteurs, désarmants de naturel, tout en retenue, sont totalement crédibles. Et leur liaison passionnée prend magnifiquement chair.
La caméra réussit à rendre la chaleur de leurs étreintes en multipliant les gros plans : torse de monsieur (qui a pris du muscle pour le film), fesses de madame, jambes, peau, duvet. "T’as des bras concrets", glisse Cécile de France à Dujardin… Et c'est vrai. Tout paraît concret, palpable. Eric Rochant donne de la présence aux corps, aux caresses. Et comme il a choisi deux très beaux acteurs français, son film est beau. Le son suit. Pendant l’amour, tandis que l’image floue cache l’essentiel, on entend des souffles, des murmures, des baisers, des cris de jouissance… Bref, Möbius est délicieusement charnel.
L’esthétique du film, assez maligne, joue d’ailleurs savamment sur les contrastes entre scènes froides et scènes chaudes. Les premières, dans des teintes gris-bleu, tournées dans des bureaux impersonnels, des intérieurs de voiture, rappellent la tension glacée de séries d’espionnage comme Homeland. Dans les secondes, filmées dans des bars, des lits d’hôtel, les agents s’humanisent brusquement. C’est le passage des unes aux autres qui crée tout le relief du film.
Faut-il y aller ?
Oui. Même si l’intrigue, un brin compliquée, est difficile à suivre, vous tomberez forcément amoureux d’un des deux acteurs.
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