Pour ou contre "Comme un lion" ?
Samuel Collardey conte les déboires d'un ado sénégalais quittant son village pour devenir footballeur pro en France. Un film digne de la Ligue 1 ou de la division d'honneur ?
Dans un petit stade du Sénégal, Mitri (Mytri Attal), 15 ans, footballeur doué, croise la route d'un recruteur. L'homme lui promet une carrière de joueur professionnel en France si sa famille réunit une grosse somme pour le voyage. Mitri croit pouvoir réaliser son rêve en s'endettant auprès des habitants de son village. Mais arrivé à Paris, ses espoirs s'envolent. Trop jeune pour intégrer un centre de formation, il est coincé, n'ayant d'avenir ni sur le sol français, ni dans son pays où il ne peut rentrer sans rembourser ses anciens voisins. L'ado va devoir se battre pour s'en sortir. Réalisé par le Français Samuel Collardey, dont c'est le deuxième long métrage, Comme un lion sort mercredi 9 janvier. Un tir cadré ou qui passe à côté du but ?
Pour : un drame lumineux, documenté et sensible
Dès les premières images de Mitri courant pieds nus dans son village, une qualité du film explose à l'écran : son authenticité. Tout semble vrai, crédible. Et pour cause : le scénario est inspiré de l'histoire d'un joueur du FC Sochaux. Le jeune acteur interprétant le héros a été recruté sur place, au Sénégal, et il s'agit de son tout premier film. Ses difficultés à parler français, son étonnement lors de son arrivée à Paris, ne sont donc qu'en partie joués.
La justesse des acteurs mais aussi des situations est telle que la fiction flirte parfois avec le documentaire. De fait, l'arrivée aux douanes a été filmée dans un vrai poste de la police aux frontières (avec un vrai policier) ; Mitri est recueilli dans un authentique foyer de migrants en banlieue parisienne ; et pour une scène de mariage, le réalisateur a carrément recréé celui d'une cousine en invitant à nouveau tous les convives !
On pourrait craindre qu'un long métrage si vrai sur les déboires d'un jeune migrant tombe dans le pathos. Ce n'est pas le cas. Le drame est là, poignant, mais l'énergie de Mitri contamine tout le film. Quelques passages prêtent même à rire, comme lorsque l'adolescent, en pleine lecture du Coran, contemple en fait une photo de footballeur cachée entre les pages du livre.
Sensible, la caméra s'arrête souvent en gros plan sur des détails : des mains, des regards, des objets permettant de mieux cerner les personnages. C'est avec la même finesse que le scénario s'attaque à des sujets "casse-gueule" déjà évoqués dans L'Apprenti, qui suivait un lycéen en stage chez un éleveur devenant peu à peu une figure paternelle. Dans Comme un lion, Mitri, sans père ni mère, est progressivement "adopté" par l'entraîneur d'un petit club (Marc Barbé, magnifique en homme brisé, ancien footballeur travaillant en usine). Et l'on plonge à nouveau dans le quotidien des classes populaires, mais en passant du monde agricole à celui des ouvriers.
Une bande originale irréprochable contribue aussi à la magie du film. Elle convoque le meilleur de la musique africaine : Femi Kuti, Salif Keita, Ballaké Sissoko…
Contre : quelques dribbles de trop ?
Le film de Samuel Collardey serait-il inattaquable ? Non. On pourrait lui reprocher un petit ventre mou qui sied mal à ce compétiteur de haut niveau. Entre le village du Sénégal et ses débuts en France dans un club de foot de province, Mitri passe en effet par les rues de Paris, un foyer en Seine-Saint-Denis, un autre à Dijon… Une trajectoire un peu longuette qui tarde à faire entrer dans le cœur du sujet : la reconquête de ses rêves de football professionnel sous la houlette de son entraîneur. Mais évidemment, ces longueurs cadrent avec celles, bien réelles, auxquelles sont confrontés les migrants en situation irrégulière.
Alors, faut-il y aller ? Oui, sans hésiter ! En espérant que vous aussi ferez la ola pour ce film qui brosse avec beaucoup de sensibilité le portrait d'un gamin infortuné, mais culotté.
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