"Pas son genre": les amours d'un intello et d'une coiffeuse par Lucas Belvaux
Comédie romantique de Lucas Belvaux, avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery, Sandra Nkake…- 1h51- Sortie : 30 avril 2014
L'histoire : Clément, jeune professeur de philosophie parisien est affecté à Arras pour un an. Loin de Paris, désoeuvré, il rencontre Jennifer, jolie coiffeuse dont il fait la conquête. Si la vie de Clément est régie par Kant ou Proust, celle de Jennifer est rythmée par la lecture de romans populaires, de magazines « people » et de soirées karaoké avec ses copines. Ils sont libres, ils s'aiment, mais cela suffira-t-il à renverser les barrières culturelles et sociales ?
En quelques années à la Comédie-Française, Loïc Corbery a embrassé avec talent tous les jeux de l'amour."Don Juan", "La Mégère apprivoisée", "le Misanthrope" actuellement à l'affiche mais surtout Perdican dans "On ne Badine pas avec l'amour" de Musset dans lequel il nous avait ébloui par sa fougue et son désespoir.
L'amour comme un rapport de force
Il y a un peu de Perdican dans son rôle de Clément Leguern, qui est aussi son premier grand rôle au cinéma. L'amour comme un rapport de force ou comment les humbles sont les jouets de ceux qui savent, c'est le grand sujet de "Pas son genre" de Lucas Belvaux. Loïc Corbery est cet intello parisien un peu dandy qui vit sa nomination de prof à Arras comme un véritable exil : "Je suis Parisien, ailleurs je m'ennuie, je m'étiole, je meurs" s'exclame t-il dépité en apprenant la nouvelle.
La conquête de Jennifer est d'abord un passe temps. Car vraiment tout oppose la petite coiffeuse pleine de fraicheur et de candeur et le jeune auteur, prof de philo par défaut. Il ne croit pas au couple, elle attend le prince charmant, il lui lit à haute voix du Zola ou du Proust, elle lui explique qui est Jennifer Aniston entre deux soirées Karaoké. Il trouve d'ailleurs et c'est plein d'esprit que dans sa théorie sur la beauté elle a un discours digne de Kant.
Passée une accumulation un peu longue de clichés sur la Province et le snobisme des parisiens on se laisse prendre par la confusion des sentiments qui gagne les deux personnages. Loïc Corbery joue sur le fil cet amant charmé mais ne pouvant tout assumer, comme en témoigne son regard ahuri à la soirée karaoké, son malaise lorsqu'il se fait appelé "chaton" ou lorsqu'il croise une collègue au carnaval.
Mais en adaptant le roman éponyme de Philippe Vilain, Lucas Belvaux a pris le parti de s'éloigner du récit à la première personne pour ausculter à égalité, les deux personnages. Et dans cette guerre de classe, sa sympathie pour Jennifer est évidente. Emilie Dequenne à la fois lumineuse et poignante incarne avec une justesse magnifique cette mère célibataire courageuse, séduite par cet homme qui fait naître un espoir auquel elle ne croyait plus.
Au final, un joli film dont on croit qu'il va labourer un champ amoureux déjà bien encombré mais Lucas Belvaux est plus malin que cela, il va jusqu'au bout de son histoire. Nous rappelant et c'est un compliment le magnifique film de Claude Sautet, "Quelques jours avec toi", où brillaient Sandrine Bonnaire et Daniel Auteuil.
Ainsi les amours de Jennifer et Clément nous laissent-ils un vrai sentiment de mélancolie. On a appris à les aimer, même si bien sûr on ne vous révélera pas s'ils finiront pas franchir les obstacles à leur amour.
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