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Martin Scorsese relance la controverse sur les films de super-héros

Œuvres de cinéma ou produits de grande consommation ? La nouvelle sortie de Martin Scorsese contre Marvel dans le "New York Times" a ravivé une polémique qui ne cesse de diviser Hollywood, des professionnels aux spectateurs.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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Martin Scorsese le 24 octobre 2019 à Los Angeles, à l'avant-première de son film "The Irishman" (JIM RUYMEN / MAXPPP)

Les films de super-héros sont-ils des œuvres de cinéma ou des produits de grande consommation calibrés de manière industrielle ? Début octobre, Martin Scorsese, illustre metteur en scène de 76 ans, avait mis une première fois les pieds dans le plat en affirmant lors d'une interview que les longs métrages Marvel n'étaient "pas du cinéma".

Le cinéaste a remis le couvert cette semaine dans un long éditorial publié le 4 novembre par le New York Times. À ses yeux, les grosses productions de l'univers Marvel manquent des éléments qui font tout "l'art" d'un film. Il explique son point de vue : "Beaucoup des éléments caractéristiques du cinéma tel que je le conçois sont présents dans les films Marvel. Ce qui n'y est pas, c'est la révélation, le mystère ou le vrai danger émotionnel. Il n'y a pas de prise de risque."

La nouvelle sortie de Martin Scorsese contre Marvel a relancé une polémique qui divise Hollywood, des professionnels jusqu'aux spectateurs. Les films Marvel, qui ont récolté plus de 22 milliards de dollars dans le monde depuis la sortie d'Iron Man en 2008, sont "calibrés, testés, modifiés, remaniés de nouveau jusqu'à être prêts à consommer", déplore le réalisateur mythique de Taxi Driver et des Affranchis. "Ils sont dépourvus de quelque chose qui est essentiel pour le cinéma: la vision individuelle d'un artiste", analyse-t-il. "Si on donne aux gens une seule chose, il est évident qu'ils vont en vouloir davantage." Sa crainte : "Je crains que la domination financière" des franchises "ne soit utilisée pour marginaliser et même rabaisser l'existence" du cinéma tel qu'il le conçoit.

Coppola, Loach et Meirelles soutiennent Scorsese

D'autres professionnels de renom, comme Francis Ford Coppola, Ken Loach et Fernando Meirelles, ont joint leur voix à celle de Scorsese. Coppola a même osé qualifier la franchise Marvel de "méprisable". Des critiques de cinéma se sont également rangés à leurs côtés.

Toutefois, ces attaques sont loin d'avoir convaincu tous les professionnels du secteur. Certains à Hollywood se demandent comment Scorsese peut prétendre définir à lui seul les critères artistiques d'un film, d'autant qu'il a lui-même reconnu qu'il ne regardait pas les films Marvel, même s'il avait "essayé".

"Vous ne pouvez pas balayer d'un revers de main tout un genre de cinéma sans en voir les films", réagit pour l'AFP Tom Nunan, producteur oscarisé et enseignant à l'université UCLA à Los Angeles. "Les gens s'alarment toujours lorsqu'un changement survient et que ça les met mal à l'aise", estime-t-il encore, renvoyant à ce qui s'était produit dans les années 1970 avec la réussite spectaculaire des films Les Dents de la mer et Star Wars.

Pourtant, "personne n'a jamais eu le culot de qualifier de 'non-cinématographiques' ces films à succès", relève Tom Nunan.

Le patron de Disney déplore des propos "irrespectueux"

Pour le patron de Disney, numéro un mondial du divertissement qui a racheté Marvel en 2009, les commentaires de Martin Scorsese sur la franchise sont "des plus irrespectueux envers tous les gens qui ont travaillé sur ces films". "Quelqu'un qui aurait vu un film Marvel ne pourrait pas honnêtement dire cela", a asséné Bob Iger sur la BBC.

"Il n'y a pas une seule façon de faire de l'art", a lancé de son côté l'actrice Natalie Portman, qui a joué dans les films Marvel consacrés à Thor.

Les fans de Marvel contre-attaquent

Ces mises au point mesurées ne sont rien en comparaison de la furie qui s'est emparée des milliers de passionnés de films Marvel ayant pris d'assaut les réseaux sociaux pour venger leurs super-héros préférés, brocardant à longueur de tweets Martin Scorsese comme un affreux élitiste arrogant.

"C'est une réaction épidermique de la vieille garde d'Hollywood", résume pour sa part Gene Del Vecchio, professeur à l'Université de Californie du Sud (USC), estimant que "les cinéastes actuels ont changé l'art", assure-t-il. L'universitaire estime par ailleurs que les goûts des spectateurs se sont beaucoup élargis, intégrant des genres comme la science-fiction ou le fantastique, tandis que parallèlement "l'establishment" d'Hollywood se repliait sur lui-même.

"Les artistes à l'ancienne n'acceptent pas ces nouveaux genres car ils sont habitués à une définition de l'art bien plus restrictive", conclut-il auprès de l'AFP.

Les déclarations de Scorsese sur la défense du cinéma font tousser certains qui pointent le laps de temps très court entre la sortie en salles de son nouveau film, The Irishman et sa diffusion sur Netflix. "Quand est-il devenu le dieu du cinéma ? Il fait affaire avec cette même entreprise qui est accusée de détruire le cinéma", a rappelé de son côté Tom Nunan.

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