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Les reprises au cinéma : une tradition qui perdure avec un beau programme estival

Les rediffusion en salles de films anciens sur grand écran durant l’été est une tradition française, censée combler la carence de sorties en exclusivité pendant cette période de vaches maigres. Elle est particulièrement faste cette année, avec notamment à partir de mercredi une magnifique rétrospective Luis Buñuel ou la ressortie du "Lauréat" (1968), avec Dustin Hoffman...
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Catherine Deneuve dans "Belle de jour" (1964) de Luis Bunnuel 
 (Carlotta films)

La passe d’armes américaine

Faisant le constat de cette lacune en nouveautés sur le marché français, les distributeurs américains en ont profité pour l’envahir avec leurs blockbusters annuels, cette période leur étant au contraire très faste aux Etats-Unis. Echange de bons procédés qui s’est, depuis, avéré très lucratif. Et pour Hollywood, et pour les exploitants français.

Le premier film à s’essayer timidement à cette démarche fut "Les Aventuriers de l’Arche perdue" en septembre 1981, et c’est depuis un boulevard pour ces films particulièrement ciblés pour la jeunesse en quête de divertissements estivaux. Tant et si bien que les reprises en France connurent un recul, même si les cycles "Viva James Bond !", un classique de l’été durant des années, tinrent le haut du pavé longtemps.
Viva James Bond : affiche
 (DR)
Le regain d’intérêt pour ce qu’il est désormais convenu d’appeler les "films de patrimoine", permet au marché de la "reprise" de retrouver une nouvelle vie. C’est désormais trois, quatre, cinq, six… rééditions qui s’exposent dans les salles chaque semaine. Et cette année le programme est magnifique.

Rétrospective Buñuel

Paris reste évidemment privilégié pour les reprises, mais les régions ne sont pas en reste, loin s’en faut. Lyon est par exemple la capitale nationale, voire internationale de la réédition filmique, avec le principal festival consacré au genre, le Festival Lumière (14-22 octobre 2017 cette année). Ainsi a-t-il son propre marché international du film de patrimoine : une évolution des plus éloquentes.
En tête des distributeurs sur ce marché, en termes de titres et de supports (DVD/VOD/Salles), Carlotta ressort le magnifique "Belle de jour" (1967) de Luis Buñuel, avec un casting comme on n’en fait plus : Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Pierre Clémenti, Françoise Fabian, Macha Méril, Francisco Rabal ou Francis Blanche…
Ce film phare est l’occasion de ressortir dans la foulée six autres œuvres majeures du maître espagnol : "Le journal d’une femme de chambre" (1964, avec la regrettée Jeanne Moreau qui vient de nous quitter, dans un de ses rôles majeurs), "La Voie lactée" (1969), "Tristana" (1970, toujours avec Deneuve, alors muse du réalisateur), "Le Charme discret de la bourgeoisie" (1972),, "Le Fantôme de la liberté" (1974), et "Cet obscur objet du désir" (1977). Un regret : l’absence de "Viridiana" (1961) au programme.

Les Lauréats

Autre reprise de haut vol, la ressortie depuis le 12 juillet du mythique "Le Lauréat" (1967) de Mike Nichols qui révéla Dustin Hoffman dans une composition qui devait faire date, au côté d’Anne Bancroft, figure emblématique du Grand Hollywood et, de façon plus anecdotique, de Katarina Ross, égérie des années 70, ("Butch Cassidy et le Kid").
Le film, qui défile sur le tube de Simon and Garfunkel "Mrs. Robinson", provoqua un mini scandale dans l’Amérique puritaine, pour son sujet mettant en scène une grande bourgeoise d’âge mûr amoureuse et manipulatrice d’un brillant étudiant fraîchement promu, qu’elle héberge. Le film peut évoquer un "Lolita" (Stanley Kubrick, 1962) à l’envers, le thème pédophile en moins, entre jeune adulte et adulte consentante, adapté à l’air du temps.
Belle reprise également ce mercredi (2 août) : "A bout portant"  ("The Killers", 1964) de Don Siegel avec son acteur fétiche, avant Clint Eastwood, le charismatique Lee Marvin. Il est au côté de la sublime Angie Dickinson dans toute sa beauté, et de John Cassavetes. Un thriller de première, incontournable du genre.
Une rareté, toujours dans le thriller, mais passionnel : "Un frisson dans la nuit" (en salle le 30 août). Première réalisation de Clint Eastwood en 1971, il y interprète un programmateur musical sur une radio locale, harcelé par une auditrice qui lui réclame de diffuser chaque soir la chanson "Misty" (le titre original du film est "Play Misty for Me"). Jusqu’à ce qu’ils se rencontrent, ouverture sur une passion plus qu’orageuse… Clint y faisait preuve d’une belle maîtrise narrative et de la caméra, qui augurait du grand réalisateur qu’il est devenu.

Kitano et les autres…

Autre événement dans ces reprises estivales, un cycle Takeshi Kitano réalisateur, avec en tête d’affiche, "L’Eté de Kikujiro" (1999), une comédie dramatique tendre et touchante, où un petit garçon de 9 ans part avec un ancien yakuza à la retraite sur les routes pour retrouver sa mère, avec laquelle il est en rupture de ban. Beau à pleurer. L’occasion de reprendre deux autres réalisations de "Beat Kateshi": "Kids Return" (1996) et "Hana-Bi" (1999).
A (re)voir également : "Ginger et Fred" (1986) un des derniers films de Federico Fellini. Plutôt mineur dans la prestigieuse filmographie du "Maestro", le film vaut pour la réunion de Giulietta Masina, épouse et muse du cinéaste, et de son alter ego, Marcello Mastroianni, en danseurs mondains sur le retour, aux prises avec le monde de la télévision. Un pamphlet anti-Berlusconi au vitriol.
"Diabolo menthe" est enfin aussi une belle reprise. Premier film de Diane Kuris ("La Baule-les-Pins", "Sagan"…) en 1977, il marqua toute une génération en racontant les années collège de deux adolescentes dans les années 60. Nostalgia, nostalgia…
De quoi passer un bel été, dans les salles obscures et climatisées, loin de bruit et de la fureur des blockbusters…  

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