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"Le sel des larmes" : les nouveaux amours infidèles de Philippe Garrel

Fidèle à un cinéma intimiste auquel il est attaché depuis plus de cinquante ans, Philippe Garrel revient avec une nouvelle dissection sobre des aléas du désir chez un jeune homme passionné par les femmes et par son père. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Jonathan Trullard
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Luc (Logann Antuofermo) et Djemila (Oulaya Amamra) promettent de se retrouver dans "Le sel des larmes", le nouveau film de Philippe Garrel.  (Ad Vitam)

Dans un contexte covidien délétère, Philippe Garrel revient à l'affiche un mardi, le même jour qu'un autre grand auteur français : François Ozon. Si ce n'est une certaine régularité chez chacun (un film tous les deux ans chez Ozon, tous les trois ans chez Garrel), tout oppose les deux cinéastes : sexe, troubles identitaires et renouvellement constant chez le premier; marivaudages, sobriété et réinvention plus cyclique chez le second. 

Avec Le sel des larmes, Garrel poursuit son exploration des vicissitudes des sentiments dans un film dépouillé, au noir et blanc charbonneux. Discret, celui-ci s'inscrit dans la continuité de son cinéma, sans décevoir, mais sans éblouir. 

La ritournelle du sujet amoureux

Noir et blanc, voix off, triangles amoureux et dialogues existentiels, le cinéma assez Nouvelle Vague de Philippe Garrel se repère de loin, du moins depuis le début des années 1980. Mais depuis La jalousie en 2013, le chemin du cinéaste semble se resserrer, avec des films courts, axés sur des ruptures de couples tourmentés. Certains reprocheront à Garrel de toujours faire le même film, disons plutôt que le cinéaste est dans sa période sobre, et que ses films actuels sont comme une série de tableaux.

Et si c'est souvent réussi (L'ombre des femmes récemment encore, avec l'excellent Stanislas Mehrar), on se souvient aussi de ce qui l'a moins été. Son Été brûlant par exemple qui, à défaut de brûler quoi que ce soit, nous avait anesthésié jusqu'à l'hiver. Le sel des larmes est entre les deux : un film séduisant, mais qui ne reste pas longtemps en nous.

Les conquêtes féminines d’un futur ébéniste (Logann Antuofermo, parfait dans cette première apparition au cinéma) et la passion qu’il a pour son père, voilà la trame narrative de ce nouveau Garrel. Le retour des obsessions du cinéaste en somme : les amours infidèles, souvent d'artistes, et la relation au père. Cette ritournelle du sujet amoureux se joue ici entre cet homme et trois femmes. Et on se réjouit du casting parfait, mêlant figures bien connues, comme André Wilms (acteur du Havre de Kaurismäki), et jeunes acteurs convaincants comme Oulaya Amamra (Césarisée en 2017 pour son rôle dans Divines de Houda Benyamina).

Mais certains dialogues sonnent faux et l'ennui guette parfois. Heureusement le dernier tiers du récit, qui transpire l'hommage à La Maman et la putain (Jean Eustache, 1973), nous marque grâce à cette jeune actrice enfiévrée, Souheila Yacoub, aux faux airs de Béatrice Dalle.

Philippe Garrel est un habitué des noirs et blancs, il a de nouveau choisi un style charbonneux pour son 25è long-métrage. (Ad Vitam)

Jean-Louis Aubert, fidèle collaborateur

Jean-Louis Aubert signe ici sa quatrième musique pour Garrel, devenant un des fidèles de l'auteur des Amants réguliers, comme Arlette Langmann, au scénario à ses côtés depuis vingt ans. Une équipe rapprochée donc, pour un cinéma quasi artisanal. Mais trop envahissante, la musique épuise, à l'exception d'une scène de danse magnifique où l'on voit les jeunes amants laisser au vestiaire leurs tergiversations le temps d'une frénésie, sur Fleur de ma ville de Téléphone.

Soigneusement gommé de références superflues à toute contemporanéité, Le sel des larmes semble se dérouler à une autre époque, comme si le présent imprégnait peu le monde de Garrel, suintant la nostalgie d'un temps non identifié. Un cocon passéiste jugeront certains, une lucarne de résistance dans un monde en roue libre estimeront d'autres. Porté par ses acteurs et son esthétique, il y a bien là des larmes dans cette chronique de désirs fugitifs, mais peut-être pas tout à fait le sel annoncé.

L'affiche du film "Le sel des larmes" de Philippe Garrel, en salle le 14 juillet. (Ad Vitam)

La fiche

Genre : Drame, Romance
Réalisateur : Philippe Garrel
Acteurs : Logann Antuofermo, Oulaya Amamra, André Wilms
Pays : France, Suisse
Durée : 1h40
Sortie : 14 juillet 2020
Distributeur : Ad Vitam

Synopsis : Les premières conquêtes féminines d’un jeune homme et la passion qu’il a pour son père. C’est l’histoire d’un jeune provincial, Luc qui monte à Paris pour passer le concours d’entrée à l’école Boulle. Dans la rue, Il y rencontre Djemila avec qui il vit une aventure. De retour chez son père, le jeune homme retrouve sa petite amie Geneviève alors que Djemila nourrit l’espoir de le revoir. Quand Luc est reçu à l’école Boulle, il s’en va pour Paris abandonnant derrière lui sa petite amie et l’enfant qu’elle porte…

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