Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof raconte la corruption en Iran dans "Un Homme Intègre"
C'est un pays où "la réalité de la corruption est quotidienne" souligne lui-même le réalisateur. Une corruption généralisée qui n'épargne aucun secteur de la société iranienne. C'est ce que dénonce le cinéaste Mohammad Rasoulof, qui a interdiction de quitter l'Iran, dans le film "Un Homme Intègre" qui sort mercredi 6 décembre.
Article rédigé par franceinfo
- franceinfo Culture (avec AFP)
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L'homme intègre dont il est question, c'est Reza. Modeste éleveur de poissons rouges, des animaux très prisés lors des fêtes du Nouvel An perse, il vit dans une ferme avec sa femme Hadis (Soudabeh Beizaee) et son fils, dans le nord de l'Iran. Les affaires de Reza, joué par Reza Akhlaghirad, vont mal et il peine à rembourser un crédit. Son banquier lui propose alors un arrangement contre un pot-de-vin. Mais Reza, le visage buté, le regard sombre, s'y refuse, car il ne veut pas graisser la patte des fonctionnaires ou des policiers qui croisent son chemin.
"La corruption a pénétré toutes les couches de la société" iranienne, assure Mohammad Rasoulof dans une interview via Skype depuis son domicile à Téhéran. Les autorités lui ont confisqué son passeport à la mi-septembre, à son retour du festival de Telluride aux Etats-Unis où il avait présenté son film et il n'a pas pu se rendre en France comme prévu pour sa promotion. "La réalité de la corruption est quotidienne (...) et va du bas de l'échelle sociale jusqu'au sommet de la pyramide du pouvoir", poursuit-il. L'ONG Transparency International attribue une note de 29/100 à l'Iran, signe d'une corruption importante.
"La corruption est devenue un système"
C'est cette réalité que veut montrer le cinéaste, qui s'est déjà penché dans le passé sur des aspects peu reluisants de la société iranienne. Son héros, Reza, se heurte aux intérêts de "la compagnie", entité anonyme mais puissante, qui convoite son terrain. Soutenu par sa femme, il s'accroche à ses convictions. Mais il a beau chercher des solutions, les portes se ferment devant lui une après l'autre, jusqu'à ce qu'il bascule.
Les Iraniens "sont fatigués de cette situation, ils veulent en sortir mais ne peuvent pas, car la corruption est devenue un système. Ce système vous oblige à être corrompu et à corrompre, même si ça répugne nombre de gens autour de moi", déplore le réalisateur. A force, "les gens deviennent à la fois des opprimés et des oppresseurs", ajoute-t-il. La femme de Reza, directrice d'un lycée, ne va ainsi rien faire pour défendre une fillette exclue de son établissement car elle appartient à une minorité religieuse.
"Le fait que mon film soit vu, c'est ce qui me sauve"
Mohammad Rasoulof avait pu présenter en mai son film au festival de Cannes, où il a obtenu le prix "Un Certain Regard", mais ne pourra pas le montrer au public iranien. "Il n'est pas envisageable que le film sorte en Iran alors que moi-même j'attends mon procès", souligne-t-il. Les charges qui ont été retenues contre lui -"activités contre la sécurité nationale" et "propagande contre le régime"- peuvent lui valoir six ans d'emprisonnement. "Je suis dans le brouillard, je ne sais pas ce qui va se passer", raconte Mohammad Rasoulof. "Mais je ne me laisse pas abattre", assure-t-il, disant travailler sur de nouvelles idées.
Sa société de production ARP a lancé une pétition sur Change.org pour réclamer le droit de travailler et de circuler librement. "S'il n'y avait pas de soutien à l'extérieur des frontières de l'Iran (...) ma situation serait bien pire", assure Mohammad Rasoulof. "Le fait que les autres ne m'oublient pas, que mon film soit vu (...) c'est ce qui me sauve."
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