"La Prière" de Cédric Kahn : un chemin ascétique entre religion et toxicomanie
Cédric Kahn signe un film sec et dépouillé sur un jeune toxicomane accueilli dans une communauté religieuse. Impressionnant, Anthony Bajon a obtenu pour sa performance l’Ours d’argent du meilleur acteur au Festival de Berlin
On fait connaissance avec Thomas via un travelling. A bord d'une voiture qui serpente dans des paysages de montagne, on le découvre le visage tuméfié et le regard absent. Vide et perdu. Lorsqu'on le retrouvera dans deux heures lors d’un autre travelling, c’est un autre Thomas qui aura pris le dessus. Ouvert et bien présent, vivant. Entre ces deux images, un film. Et une renaissance.
Lorsqu’il arrive dans ce qui ressemble à un camp militaire, le jeune héroïnomane n’a qu’une idée : s’enfuir. Mettre de la distance avec cette "bande de tarés" qui vit à l'écart du village. Les règles sont sévères et même si le ton ne monte jamais, la pression mise par ces anciens toxicomanes sur le nouveau venu est forte. Peu de mots. Aucune source de distraction ou de plaisir. Seule la foi occupe les esprits. Prières et chansons rythment les journées. Thomas va peu à peu accepter le principe de ce sevrage à la dure, cet adieu à la drogue au profit de la croyance. Sa métamorphose va s’opérer doucement.
Cédric Kahn, qui n’est pas croyant, était fasciné depuis longtemps par ces expériences associant toxicomanie et religion et le film lui a fourni sa "propre porte d’entrée" sur le sujet. Son parti pris ? Ne rien imposer, respecter les convictions de chacun… avec cette petite entorse au règlement que constitue la scène de (petit) miracle, qui, bizarrement, passe toute seule.
Son film est à l’image de la communauté des toxs, comme on dit au village. Dépouillé, brut et avare de mots. Les longs plans sont pourtant riches en émotion. Quelques scènes sont inoubliables, comme cette crise de manque lors de laquelle Thomas, secoué de spasmes, fini par se calmer dans les bras d’un des anciens drogués. Ou la séance de gifles que lui inflige placidement une religieuse (incarnée par la géniale actrice polonaise Hanna Schygulla), bien décidée à lui faire prendre conscience qu’il se ment à lui-même.
Ce film rude est une vraie réussite. Avant d’être religieux, il est d’abord une histoire d’hommes qui s’aident à se relever.
LA FICHE
Genre : drame Réalisateur : Cédric Kahn Pays : France Acteurs : Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl et Louise Grinberg
Durée : 1h47
Sortie : 21 mars 2018
Synopsis : Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière. Il va y découvrir l’amitié, la règle, le travail, l’amour et la foi…
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