La Française Anne Seibel crée les décors des plus grands films d'Hollywood
Elle, qui ne connaissait pas franchement Rome, est partie sur place en amont pendant une semaine. Après avoir soigneusement décortiqué le scénario, elle a sillonné la capitale italienne en scooter, guidée par un Romain, pour repérer et sélectionner les différents lieux de tournage. « Avec Woody Allen, on utilise surtout des décors naturels, alors il fallait des lieux typiques de l’âme italienne façon Dolce Vita de Fellini, mais différents de ceux qu’on a déjà trop vu dans de précédents films », explique-t-elle.
Pour chaque scène, elle a pris des photos de deux ou trois lieux qui lui plaisaient puis le réalisateur aux quatre Oscars a fait son choix. Anne découvre ainsi l’Ara Pacis Augustae, « un autel antique abrité dans un bâtiment de verre moderne conçu par Richard Meier » pour y organiser un défilé de mode.
Reconnue par le tout Hollywood, mais pas en France
La décoratrice, d’abord formée à l’architecture, avoue prendre beaucoup de plaisir à travailler sur « un petit film avec Woody ». C’est sûr qu’on est bien loin des 15 millions d’euros de budget dont elle disposait pour le tournage de GI Joe : « avec 40 décors à créer et une énorme équipe à gérer, là j’étais vraiment un chef d’orchestre ».
Anne Seibel travaille avec les plus grands réalisateurs : Sofia Coppola pour « Marie-Antoinette », Steven Spielberg pour « Munich » où elle rencontre son mentor Rick Carter, et Clint Eastwood pour « Hereafter ». Ce qui ne l’empêche pas d’accepter un contrat sur le premier court-métrage d’un jeune réalisateur français de 18 ans. Mais en France, la liste des projets est beaucoup moins longue et moins prestigieuse.
Une situation qu’elle peine à expliquer : « Aux Etats-Unis, les mentalités sont vraiment différentes et en tant que décoratrice, je suis beaucoup plus reconnue là-bas que dans le pays où j’habite depuis toujours ». A tel point que lorsqu’Anne Seibel a été nommée aux Oscars, même ses collègues de l’association de décorateurs dont elle fait partie n’ont pas eu un mot de félicitations. Humble, elle a presque hésité à leur en parler, « mais quand même, ce sont les Oscars ! ». Autre différence flagrante : la couverture médiatique. Après sa nomination, la décoratrice a répondu à 45 interviews pour la presse américaine… et deux seulement en France !
Un film d'animation, et bientôt un Tim Burton ?
Si ce manque de reconnaissance en aurait démoralisé beaucoup, il a plutôt motivé Anne, décidée à « mettre un coup de pied dans la fourmilière ». Pas pour elle, mais pour les jeunes générations. A la tête du département « Décor » de la Femis, l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son, avec Jean Vincent Puzos, elle tente « de transmettre tout ce qu’on [lui] a appris : en partant des gribouillages à la main jusqu’à l’utilisation du numérique ».
Récemment, elle a emmené ses élèves sur le tournage d’une grosse production américaine avec laquelle elle collabore : un modèle hybride entre le film d’animation et le film traditionnel où l’intégralité des décors naturels sont scannés et numérisés.
Elle prend elle-même beaucoup de plaisir à se former et se perfectionner en fonction des évolutions technologiques. Et si elle a déjà travaillé avec les plus grands, Anne Seibel a toujours des rêves. Notamment celui de rejoindre une des futures productions de Tim Burton, célèbre pour ses univers fantastiques et délirants.
Des photographies, maquettes et décors réalisés par Anne Seibel seront exposés du 18 septembre au 15 décembre 2012 dans le cadre de l'exposition "Paris vu par Hollywood" à la Mairie de Paris, une rétrospectuve des quelques 800 films où le cinéma américain a représenté la capitale française.
VIDEO : La bande-annonce de "To Rome with Love" de Woody Allen (VO sous-titrée)
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