L'appel de détresse du cinéma portugais
"Le cinéma portugais a toujours vécu avec peu de moyens. Mais nous parvenions toujours à combiner quelques aides publiques avec notre amour du cinéma", explique à l'AFP le réalisateur. Joaquim Sapinho rêve de voir sortir en salle son dernier film "Deste lado da Ressureiçao" ("De ce côté-ci de la Résurrection", un titre qui prend un accent prophétique dans ces circonstances). Or, "nous n'avons pas, pour l'instant, les moyens de financer les copies", constate le producteur Pedro Fernandes Duarte, de la société Rosa Filmes.
La bande-annonce de "Deste lado da Ressureiçao", de Joaquim Sapinho (2011)
Après la Révolution des Oeillets de 1974, qui marque l'arrivée de la démocratie au Portugal, le septième art, soutenu par des fonds publics, connaît un nouvel élan avec des cinéastes comme Pedro Costa, César Monteiro, Paulo Rocha et, bien sûr, le vétéran Manoel de Oliveira qui tourne toujours à 103 ans. Aujourd'hui, défendus par une nouvelle génération, les films lusitaniens se démarquent par leur liberté de ton et leur esthétique.
Un programme d'austérité en 2011
Hélas, en 2011, la situation du cinéma, qui attire plus de spectateurs à l'étranger qu'au Portugal, est devenue dramatique. Le pays a été placé sous perfusion internationale, en contrepartie d'un programme drastique d'austérité. Chaque ministère a subi des coupes budgétaires sévères. Celui de la Culture, carrément relégué au rang de secrétariat d'Etat, n'a pas échappé à la règle. Le budget de la Direction générale des arts, chargé de soutenir le spectacle, a été réduit de 38%, alors que la TVA sur les billets de cinéma est passée de 6 à 13%.
"Notre cinéma est dans une situation d'asphyxie", alerte le réalisateur João Pedro Rodrigues, joint au téléphone par l'AFP, au festival de Locarno en Suisse, où il présente le film qu'il a co-réalisé avec João Rui Guerra da Mata, "La dernière fois que j'ai vu Macao". "Je n'ai aucun soutien de mon pays que je représente à ce festival", observe le réalisateur de "Mourir comme un homme" (2009) et "O Fantasma" (2000).
La plupart des cinéastes portugais, qui se sont distingués pourtant ces dernières années dans plusieurs festivals, comme Miguel Gomes et João Salaviza (primés en février à la Berlinale), traversent les mêmes difficultés.
Des subventions suspendues
Depuis le début de l'année, les subventions de l'Institut du cinéma et de l'audiovisuel (ICA) se sont brusquement arrêtées en raison de la crise. De nombreux projets attendent encore les aides promises. D'autres sont tout simplement suspendus.
Le gouvernement de centre-droit a proposé une loi, approuvée en juillet, destinée à renflouer les caisses de l'ICA qui seront financées non seulement par la publicité à la télévision comme auparavant, mais également par de nouvelles taxes provenant d'autres opérateurs de contenus audiovisuels. D'après le gouvernement, ces mesures doivent permettre de multiplier par trois les fonds de cet organisme, à hauteur de 27 millions d'euros par an.
Or, cette nouvelle loi est fortement contestée par les opérateurs qui refusent de nouvelles taxes. Du coup, de nombreux réalisateurs redoutent qu'elle soit retardée. "Les premiers financements pourraient n'arriver qu'en 2014. Que se passera-t-il avec les productions de cette année et de 2013 ?", s'interroge Joaquim Sapinho.
"Monteurs, techniciens... pour survivre des tas de gens vont devoir changer de métier ou émigrer", s'inquiète de son côté Pedro Duarte. "Aujourd'hui, nous sommes contraints d'emprunter, de recourir à des amis ou à des coproductions pour terminer les projets en cours", souligne Joaquim Sapinho.
"Malgré tout le cinéma portugais ne s'arrête pas, conclut, volontaire, João Pedro Rodrigues. Je suis réalisateur. Je continuerai de faire des films."
João Pedro Rodrigues parle en français de "Mourir comme un homme" (2009)
La bande-annonce de "O Fantasma" (2000), film de João Pedro Rodrigues
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