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Hommage au défunt réalisateur américain William Friedkin en cinq films révolutionnaires

"French Connection", "L’Exorciste", "Sorcerer", "Bug" et "Killer Joe" : en cinq films, s'imprime la patte du réalisateur américain qui a révolutionné le polar, l’horreur, l’aventure, l’intime et le thriller au cinéma.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Le réalisateur américain William Friedkin sur le tournage de "L'Exorciste" (1973). (RONALD GRANT /MARY EVANS / SIPA)

Le réalisateur américain William Friedkin, décédé lundi 7 août, est à la tête d’une filmographie d’œuvres qui ont changé le cours du cinéma. French Connection inventait en 1971 le polar urbain, L’Exorciste (1973) changeait le visage de l’horreur au cinéma, Sorcerer (1975) celle du film d’aventures, Bug (2006), du film intimiste et Killer Joe (2011), du thriller.

French Connection

Venu du documentaire télévisuel, après être passé par le montage, puis signant ses premiers films influencés par Harold Pinter, William Friedkin réalise French Connection en 1971. Il applique son art du documentaire en filmant New York comme jamais, et propulse du même coup Gene Hackman et Roy Scheider en haut de l’affiche. La ville devient un personnage, que l'on retrouvera dans Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), puis dans tout le polar urbain, jusqu'à son parachèvement dans Heat (Michael Mann, 1995) et qui s'exportera dans les séries télévisées telles que Miami Vice.

Adaptée du roman très documenté de Robin Moore basé sur les témoignages de deux flics des narcotiques enquêtant sur le trafic d’héroïne venant de France, l’affaire deviendra mythique grâce au film. French Connection est récompensé de cinq Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleurs premier et second rôles… et meilleur montage. La cultissime poursuite de voitures sous le métro aérien de Brookyn vaut de ce point de vue le déplacement.

L’Exorciste

Grand film sur le diable s'il en est, réalisé dans la foulée, mais tardivement, après Rosemary’s Baby sur la naissance de l'Antéchrist (Roman Polanski, 1967), L’Exorciste sort par provocation le jour de Noël 1973. Le film fait scandale comme l’espérait Friedkin qui a soigneusement orchestré et minuté sa sortie. Vomissements dans les salles, crises cardiaques, on parle d’un mort, les ambulances sont à la sortie des cinés… Autant d’incidents et de légendes urbaines qui accompagnent la distribution du film et lui font une publicité malsaine.

Très réaliste dans la reconstitution d’un cas de possession démoniaque d’une pré-ado de 12 ans, le film garde aujourd’hui encore sa réputation de pire film d’horreur de tous les temps. Mais aussi le plus catholique, puisqu’il provoquera une vague inédite de conversions au catholicisme dans la protestante Amérique après sa sortie. Le film engendrera également une épidémie de films d'exorcisme à travers le monde, deux suites très bizarres, et un véritable sous-genre du fantastique au cinéma qui perdure aujourd'hui.

Sorcerer

Avec deux triomphes coup sur coup au box-office, Hollywood offre un pont d’or et carte blanche pour son prochain film au réalisateur. Cinéphile et admirateur d’Henri-Georges Clouzot, Friedkin veut réadapter le roman de Georges Arnaud Le Salaire de la peur, que le cinéaste français avait mis en scène avec Yves Montand et Charles Vanel en 1952. Le tournage de Sorcerer (Le Convoi de la peur) en République dominicaine, s’avère catastrophique, entre météo diluvienne, maladie, et guerre contre les narcotrafiquants, avec des scènes dangereuses et risquées à tourner, sans parler du gouffre financier que s’avère la production.

Le film, maudit, est un flop public et économique, incompris, systématiquement comparé à l'adaptation de Clouzot avec lequel il n’a rien à voir, sinon le sujet. Sorcerer reste aux yeux de son auteur son film manifeste, avec Rampage (Le Sang du châtiment, 1988) qui suscita la même incompréhension de la critique et du public. Une grande œuvre, mais dont Friedkin ne se remettra jamais... 

Bug

En grand fan de Pinter qu’il a filmé à ses débuts (L’Anniversaire, 1968), William Friedkin revient à son amour du théâtre quand il adapte la pièce de Tracy Letts, Bug, sur un cas de schizophrénie contagieuse. Le film commence comme une drague dans un diner du Midwest, pour se conclure dans le chaos d'une chambre du motel où une jeune femme héberge un inconnu qu’elle a recueilli. Se disant infesté d’insectes sous sa peau, l’intrus convainc son hôtesse qu’elle est aussi contaminée.

Une incroyable montée en puissance de la dramaturgie habite ce film que personne n’a vu, ou presque. Devenu son ami, Tracy Letts sera à l’origine du prochain film de Friedkin, qui adapte une autre de ses pièces, dans un film encore plus choquant, encore plus dérangeant, encore meilleur, encore plus Friedkin, Killer Joe.

Killer Joe

Dans la continuité de Bug, Killer Joe se situe dans un désert américain, texan en l’occurrence. Là, un tueur à gages réputé n’est autre que le shérif du coin. Son nom ? Killer Joe. Il est très cher, mais implacable et sûr, puisque c’est lui qui mène les enquêtes. Un jeune red neck l’emploie pour tuer sa mère afin de payer ses dettes, et s’embourbe dans un fiasco de première classe, traumatique, lubrique et violent qui, comme Bug, se termine dans une scène de pur chaos des plus dérangeantes.

 Avec un Matthew McConaughey halluciné et Gina Gershon d’une sensualité effarante, poussée dans les derniers retranchements de l’humiliation que lui inflige le tueur, Killer Joe est un thriller au croisement de Bug et de French Connection en plus intime.

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