Festival de Cannes 2024 : le Studio Ghibli de Miyazaki reçoit une Palme d'or d'honneur. Retour en cinq films d'animation emblématiques
Fondé en 1985 par le maître Hayao Miyazaki, 83 ans, et son ami associé Isao Takahata, réalisateur du Tombeau des Lucioles, disparu en 2018, le Studio Ghibli a donné à l'animation nippone ses lettres de noblesse. Moteur des exportations culturelles japonaises dans le monde, le studio a été récompensé lundi 20 mai d'une Palme d'or d'honneur au 77e Festival de Cannes. C'est la première fois qu'un studio recevait un tel prix, d'ordinaire remis à un acteur ou un réalisateur.
C'est Goro, le fils de Hayao Miyazaki, également réalisateur chez Ghibli, qui est venu chercher la Palme. "Je voudrais remercier tous les fans du monde entier", a déclaré Goro Miyazaki, visiblement ému et sous un tonnerre d'applaudissements. Il a estimé que cette récompense était "un encouragement" pour "les quarante années à venir".
Une vidéo montrant Hayao Miyazaki se moquant de la décision de son fils d'aller chercher cette Palme ("je le plains") a été projetée au public, provoquant les rires. Il a ensuite plus sobrement remercié le festival. La cérémonie s'est poursuivie avec la diffusion de quatre court-métrages inédits, dont une mini-suite de Mon voisin Totoro, qui n'avaient pour la plupart jamais été montrés en dehors du Japon.
L'occasion de revenir sur cinq films cultes, tous foisonnants de détails, où s'épanouissent inlassablement la fantaisie narrative et visuelle, mais aussi l'humanisme et la vision enchantée de la nature de Miyazaki.
"Le Château dans le ciel" (1986)
Premier projet du Studio Ghibli, Le Château dans le ciel n'est sorti en France qu'en 2003.
Il suit le voyage de deux orphelins à la recherche d'une cité légendaire dans les nuages. Pourchassés par des soldats et des pirates de l'air, cette quête émaillée de nombreux dangers comporte déjà tous les codes de la mythologie Miyazaki : la civilisation des hommes défigure une nature animiste (Miyazaki est né en 1941, l'année de Pearl Harbor) peuplée de créatures bienfaisantes.
"Mon voisin Totoro" (1988)
Multi-récompensé au Japon, ce film fait partie, avec Le Voyage de Chihiro du même Miyazaki de la liste des 50 films à voir avant d'avoir 14 ans établie en 2005 par le British Film Institute. Devenu la mascotte du Studio Ghibli, l'adorable Totoro est le personnage le plus populaire de tous ceux créés par Miyazaki.
Pour se rapprocher de leur mère hospitalisée, deux sœurs s'installent avec leur père à la campagne dans une maison où il se passe des choses étranges. C'est en tombant au fond d'un trou dans les bois qu'elles font la connaissance de Totoro, une énorme créature merveilleuse invisible aux yeux des autres humains, sorte d'esprit de la forêt, qui va les aider à dompter leurs peurs. La référence à Alice au pays des merveilles est évidente dans ce récit d'apprentissage où enfants comme adultes utilisent leur imagination pour naviguer entre la peur et l'émerveillement que provoque l'inconnu.
"Princesse Mononoké" (1997)
Immense succès commercial au Japon, Princesse Mononoké fait sortir Miyazaki de son quasi-anonymat en Occident grâce à un partenariat avec Disney qui va le distribuer dans le monde. Il sort en France en 2000.
Hanté par la destruction de la nature par le Japon industriel, Miyazaki revisite les mythes fondateurs de son pays dans ce long-métrage empreint de références shintoïstes qui se déroule à l'époque Muromachi (entre 1336 et 1573). Il est centré sur Ashitaka, un jeune guerrier archer, et San (princesse Mononoké), une jeune fille surnaturelle qui vit avec les loups et défend sauvagement la forêt. Bientôt, Ashitaka va comprendre que les humains, à force de défigurer la nature par leurs forages, sont à l'origine de tous les mystérieux dérèglements. Contrairement à Mon voisin Totoro, ce film n'est conseillé qu'à partir de l'âge de 12 ans.
"Le Voyage de Chihiro" (2001)
Interprétation personnelle d'Alice au pays des merveilles, Le Voyage de Chihiro attire 23 millions de spectateurs au Japon, remporte l'Ours d'or au Festival de Berlin et l'Oscar du meilleur film d'animation en 2003. Vingt ans après, Miyazaki recevra un second Oscar pour son (dernier) opus Le Garçon et le Héron (2023).
Chihiro est une nouvelle héroïne saisie au moment de son passage vers l'adolescence. Alors qu'elle est en plein déménagement dans une banlieue, la fillette de 10 ans entre dans le monde des esprits et perd ses parents transformés en porcs par la sorcière Yubaba. Une quête initiatique vertigineuse et pleine de fantasmagories s'ensuit pour retrouver ses parents. Miyazaki y développe plusieurs de ses thèmes favoris : le travail collectif, le shinto et les dangers de la société industrialisée pour la nature et les valeurs ancestrales de son pays.
"Le Château ambulant" (2004)
Avec ce film, qui était son préféré et lui valut une seconde nomination aux Oscars, Hayao Miyazaki voulait envoyer un message pacifiste.
Sophie, jeune modiste, rencontre le beau Hauru, un magicien. Mais, jalouse, la sorcière des landes la transforme en vieille dame de 90 ans. Pour rompre la malédiction, Sophie se réfugie dans une mystérieuse citadelle, le château ambulant de Hauru. Elle y rencontre son jeune apprenti Marco et un démon du feu nommé Calcifer. Elle va conclure avec ce dernier un marché : il brisera le sort si elle accepte de rompre son lien avec Hauru. Il est aussi question d'une guerre entre deux royaumes et d'un anneau enchanté dans ce film vertigineux où tous les personnages se jouent des apparences.
"Le vent se lève" (2013)
Friand de culture européenne, Miyazaki emprunte ce titre à un poème de Paul Valéry (Le Cimetière marin), "Le vent se lève, il faut tenter de vivre !" pour cette biographie librement inspirée de la vie de Jiro Horikoshi, ingénieur en aéronautique et concepteur des chasseurs bombardiers japonais.
L'univers est moins onirique et plus réaliste que dans la plupart des productions précédentes de Miyazaki, qui annonce qu'il s'agit de sa dernière production avant de revenir sur sa décision et de réaliser Le Garçon et le Héron, sorti en 2023.
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