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Festival de Cannes 2023 : comment Virginie Efira est passée de présentatrice de télé-crochet à star incontournable du cinéma français

Après "L'Amour et les Forêts" de Valérie Donzelli mercredi, l'actrice belge présente un deuxième film, vendredi, sur la Croisette, "Rien à perdre" de Delphine Deloget. L'occasion de mesurer le chemin parcouru depuis les plateaux de télévision.
Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'actrice belge Virginie Efira sur le tapis rouge du Festival de Cannes, le 24 mai 2023. (VALERY HACHE / AFP)

"Dans mes yeux d'enfant, c'était Hollywood, j'en rêvais." Virginie Efira confie qu'elle avait des étoiles dans le regard en songeant aux stars foulant le tapis rouge du Festival de Cannes. Une montée des marches qui semblait inaccessible pour l'adolescente née à Schaerbeek, en banlieue de Bruxelles, fille d'un oncologue et d'une esthéticienne divorcés, qui collectionnait des images de mannequins des années 1990 dans sa chambre. Désormais, sur la Croisette, elle fait partie du décor. Elle présente hors compétition, vendredi 26 mai, Rien à perdre de Delphine Deloget, après L'Amour et les Forêts de Valérie Donzelli, projeté mercredi. Mais avant d'être installée, Virginie Efira, 46 ans, a fait du chemin. Retour sur les moments charnières de sa carrière. 

Le tremplin des télé-crochets

Virginie Efira, alors, présentatrice à la télévision belge, à Bruxelles, le 1er mars 2004. (BENOIT DOPPAGNE / BELGA / AFP)

Virginie Efira n'a pas toujours assumé ses rêves d'actrice. "Chez moi, il y avait pire que ça, j'avais envie de notoriété", avoue-t-elle dans La Croix*. Il lui est arrivé de se trouver superficielle, comme lorsque son père est tombé sur ses photos de mannequins. Une envie de plaire qui l'a conduite à se présenter (et être élue) "Miss Tequila", raconte-t-elle dans Le Monde*. Si elle s'inscrit bien à l'Insas (Institut national supérieur des arts du spectacle), puis au Conservatoire royal de Bruxelles, elle échoue. Son destin bascule alors qu'elle officie comme serveuse dans une boîte de nuit bruxelloise, où elle est repérée par un producteur de télévision.

A la fin des années 1990, elle présente "Mégamix", une émission musicale diffusée sur Club RTL et qui rencontre un vif succès en Belgique. Très vite, la chaîne française M6 la remarque. "On sentait une fille qui ne se prenait pas la tête, instinctive, sans langue de bois ni artifices, qui apportait un vent de fraîcheur par rapport aux codes de la télé hexagonale", retrace dans Le Parisien* Yann Goazempis, ancien directeur des divertissements du groupe. Virgine Efira devient l'un des visages de la chaîne. Les émissions "Opération séduction" et "La Nouvelle Star" la propulsent star du petit écran hexagonal. Invitée à monter les marches du Festival une première fois, elle se prend son statut de présentatrice "et sa naïveté en pleine tronche", raconte-t-elle dans Paris Match*. "Le lendemain, un quotidien publiait la liste de ceux qui n'avaient rien à faire là et mon nom y figurait."

La "Cameron Diaz à la française"

L'actrice belge Virginie Efira et l'acteur français François-Xavier Demaison, qui ont joué ensemble dans "La Chance de ma vie", avant la cérémonie des César le 27 février 2010, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

Virginie Efira n'a jamais voulu s'installer dans le petit écran. Mais elle y a été remarquée pour "sa fantaisie" par le réalisateur Philippe Lefebvre qui lui offre, en 2010, son premier rôle dans Le Siffleur. "Il fallait tenter autre chose, peut-être rater. (...) Je n'avais pas d'idée précise de là où je voulais arriver, je voulais chercher", explique l'actrice chez Konbini. Puis, Dominique Farrugia lui propose le rôle d'Angèle dans L'amour c'est mieux à deux, avec Clovis Cornillac et Manu Payet. "On cherchait une Cameron Diaz à la Française", se souvient l'ancien Nul dans Le Parisien .

Ces deux rôles ouvrent sa période "comédies romantiques", couronnée de certains succès comme Mon pire cauchemar d'Anne Fontaine, 20 ans d'écart avec Pierre Niney ou encore Un homme à la hauteur de Laurent Tirard avec Jean Dujardin. Mais là encore, elle ne veut pas s'en contenter. 

"Jouer une femme simplement décrite comme 'indépendante et maladroite', je l'ai déjà fait..."

Virginie Efira

Au "Journal du dimanche"

La rencontre décisive avec Justine Triet

La réalisatrice française Justine Triet et l'actrice belge Virginie Efira sur les marches du Festival de Cannes pour présenter "Sybil", leur deuxième film ensemble, le 24 mai 2019. (STEFANIE REX / DPA-ZENTRALBILD / AFP)

La carrière de Virginie Efira doit son envol à l'émission "Rendez-vous en terre inconnue". En 2010, elle décolle pour la Mongolie avec Frédéric Lopez. Devant son écran, la réalisatrice Justine Triet cherche une actrice pour le scénario qu'elle développe. "Elle dégage un truc de solitude et de joie, décrit la cinéaste dans Le Monde. Elle avait fait beaucoup de métiers, Miss Météo, serveuse, animatrice, et avait géré plein de situations, de contradictions, cela la rendait singulière, pas envahie par son ego." Cette rencontre va tout changer. Virginie Efira joue Victoria dans le film du même nom, une quadragénaire en pleine crise existentielle. "Le tournage m'avait permis de trouver enfin du sens dans ce métier. Je participais à un film qui sortait des récits prémâchés et portait le regard d'une vraie auteure", savoure-t-elle dans Le Journal du dimanche*.

"Je n'avais pas beaucoup exploré le registre dramatique, les films d'auteur financés par le CNC qui ont des critiques dans 'Libé'. J'estimais que ce n'était pas pour moi."

Virginie Efira

Dans "Le Monde"

Pour l'actrice, Justine Triet "a perçu ma solidité physique. Et aussi la Belgique, la fille pas sûre d'elle qui n'a pas encore vraiment commencé. J'ai tellement eu envie de faire son film que j'ai menti en disant que j'avais déjà vu son premier film, La Bataille de Solférino, et pourtant je ne mens pas beaucoup." "Avec Victoria, je suis passée de 30 000 à 600 000 entrées. On s'est toutes les deux retrouvées dans un autre monde", précise de son côté la réalisatrice. Le film est présenté en ouverture de La Semaine de la critique à Cannes, en 2016. Cette fois-ci, personne ne trouve rien à redire à la présence de l'ancienne présentatrice de "La Nouvelle Star".

La boulimique de tournages

L'actrice belge Virginie Efira, le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven et la comédienne belgo-grecque Daphne Patakia pour la présentation de "Benedetta" à Cannes, le 10 juillet 2021. (VALERY HACHE / AFP)

Après Victoria, Virginie Efira entre dans un tourbillon de tournages. En sept ans, il y aura 16 films, dont certains dirigés par de grands noms du cinéma d'auteur : Catherine Corsini, Rebecca Zlotowski, Alice Winocour, Albert Dupontel ou encore Paul Verhoven. Le cinéaste hollandais, après l'avoir dirigée dans Elle, lui offre le rôle-titre de Benedetta, une religieuse italienne mystique qui découvre la sexualité au sein de son couvent au XVIIe siècle. Sa performance, dans laquelle elle se jette sans pudeur, est saluée. "Elle n'appréhendait pas du tout le tournage. Elle n'avait pas d'inhibition ni de gêne par rapport à la nudité", témoigne Paul Verhoven dans Le Journal du dimanche*. Tourner avec le réalisateur du mythique Basic Instinct lui fait alors mesurer le chemin parcouru.

"Quand je présentais le hit-parade, je ne voyais pas bien comment Paul Verhoeven pouvait entrer dans mon existence."

Virginie Efira

Dans "Paris Match"

Benedetta de Paul Verhoeven, Un amour impossible de Catherine Corsini, Revoir Paris d'Alice Winocour ou encore Police où elle retrouve Anne Fontaine sont des choix forts, éloignés du registre plus léger de ses débuts. "Ce sont des rôles plus complexes, et il est plus facile de [les] jouer que des archétypes définis par deux adjectifs qualificatifs", note la comédienne dans La Croix. Une manière aussi, d'après Anne Fontaine dans Le Journal du dimanche*, d'affirmer sa position d'actrice : "J'ai bien senti son complexe de légitimité de venir de la télévision. Mais c'est un bon muscle pour se transcender et c'est ce qui lui donne cette détermination à jouer des rôles de plus en plus complexes, le courage de tenter des choses comme Benedetta."

La consécration des César et le saut "dans l'inconnu"

L'actrice belge Virginie Efira et son compagnon, le comédien Niels Schneider, après la cérémonie des César à Paris, le 25 février 2023. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

En février, sa sixième nomination aux César est la bonne. Sacrée meilleure actrice pour son rôle de rescapée d'un attentat dans Revoir Paris, elle se moque de son hyperactivité. "En même temps, j'ai fait 63 films cette année, donc arithmétiquement, je m'étais un peu donné des chances", sourit-elle en recevant son prix. 

La récompense n'a pourtant pas changé la nature des propositions qu'elle reçoit, ni la quantité. "J'étais assez gâtée quand même avant. En tout cas dans le cinéma qui m'intéresse, qui n'était pas toujours avec le public le plus large, mais que j'aimais bien", étaye la comédienne sur Europe 1. Car en réalité, elle avait déjà l'embarras du choix : plus un scénario avec une femme entre 30 et 45 ans ne circule "sans Efira écrit dans la marge" appuie dans Le Monde le producteur Philippe Carcassonne. Le cinéma va pourtant devoir apprendre à s'en passer quelque temps : l'actrice, enceinte de son compagnon Niels Schneider, a confirmé dans Télérama* que sa carrière allait être mise en pause par sa grossesse.

"C'est la première fois que je n'ai aucun projet à venir, que je suis confrontée à l'inconnu."

Virginie Efira, actrice

Dans "Télérama"

A son retour, peut-être reviendra-t-elle à la comédie. Après "avoir nourri tous les complexes possibles", résume-t-elle dans Paris Match, elle a conscience désormais qu'elle est "valable". Et si, "quel que soit [son] âge", elle devait être "dans la panade", assure-t-elle dans Télérama, elle sait que Justine Triet "viendra [la] sauver".

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